Un roman d’Olivier Rogez publié aux éditions Le Passage
Anton a vingt ans. Fraîchement débarqué de Sibérie, il vit à Moscou chez son oncle Iouri Nesterov, haut responsable du KGB. Autour d’eux, le monde s’effondre. Nous sommes en 1989, la fièvre de la perestroïka s’est emparée de leur pays et la chute du mur de Berlin va entraîner celle de l’Union soviétique. Chargé de surveiller de près la lutte politique qui se joue au sommet de l’État, spectateur désabusé d’un régime qu’il ne défend plus que par devoir, Iouri ne croit plus aux idéologies ni aux révolutions.
Dans cette ville bouillonnante où se joue le drame collectif d’une nation, il accompagne la folle destinée de personnages déboussolés par l’époque : la peintre Helena, Aliona et ses talents divinatoires auxquels Anton ne reste pas longtemps insensible, Gueorgui le sombre Géorgien, ou encore le mystérieux starets qui semble surgir de la Russie prérévolutionnaire. Alors que l’affrontement entre Mikhaïl Gorbatchev et Boris Eltsine menace de disloquer l’empire rouge, Iouri et Anton vont chacun à leur façon chercher à influencer le cours des événements.
Les révolutions sont toujours l’occasion de mettre en valeur les grands hommes, à condition toutefois de ne pas se laisser dévorer : entre le sauve-qui-peut général et le chacun-pour-soi, ne risquent-ils pas d’y laisser leur âme
Moscou – 1989 – Anton a 20 ans et vit depuis peu chez son oncle Iouri, membre éminent du KGB.
Le jeune homme possède un don étrange, celui de faire des rêves prémonitoires. Il entrevoit la chute de l’URSS, la fin d’un monde.
Son oncle, lui, navigue en eaux troubles entre complots, trahisons et alliances à la Loubianka.
La période est intense, porteuse de l’espoir d’un renouveau, d’une poussée démocratique. Une nouvelle révolution du peuple lassé de la gangue de fer qui pèse sur lui, de la corruption, des pénuries.
Mais la menace guette, celle des communistes adeptes de la ligne dure du parti, des apparatchiks n’ayant aucun intérêt à ce que les espoirs du peuple se réalisent.
Les personnages se débattent chacun à leur manière. Iouri va tenter de tirer les fils du jeu, Anton va représenter l’innocence de la jeunesse qui rêve d’une liberté si peu goûtée.
Ce récit est celui d’une transition mais également d’une trahison. Le souhait d’une liberté qui se heurtera à une nuée d’opportunistes ravis de faire main-basse sur ce qui peut l’être. Une armada au service d’une volonté égoïste, dominée par l’argent et la soif de pouvoir.
La plume d’Olivier Rogez nous plonge avec talent dans cette société en pleine mutation grâce à une galerie de personnages passionnants.
Amour, complot, trahison, révolution…tout est réuni pour un très bon moment de lecture!
En pénétrant dans la cathédrale sombre, Iouri ne peut s’empêcher de jeter un œil à la porte dérobée située à deux pas du restaurant. Si, par curiosité ou par inadvertance, il poussait cette porte, il découvrirait une dizaine de fonctionnaires du KGB alignés derrière de petites tables, casque audio sur la tête, stylo à la main, en train d’espionner les conversations. Chaque table est sur écoute, c’est systématique vingt-quatre heures sur vingt-quatre sans aucune exception. Les équipes de la Loubianka se relaient en permanence. Iouri ne doute pas du bien-fondé du procédé, après tout cet hôtel est fréquenté par des personnalités importantes de l’empire – personnalités dont il faut par nature se méfier -, il doute plutôt de son efficacité, car qui ignore dans ce pays que l’on est surveillé dans les hôtels moscovites ?