Un roman de Théodora Dimova publié aux éditions des Syrtes
Dans la Bulgarie postcommuniste, les destins de sept adolescents, élèves dans le même lycée, se croisent dans le chaos qui les entoure et les désarrois familiaux. En » mal de mère », Andreia, Lia, Dana, Alexander, Nicola, Deyann et Kalina vivent, chacun à leur manière, les souffrances de l’enfance ou la démission des parents. Dans ce chaos, le rêve d’une vie meilleure est incarné par Yavora, leur nouveau professeur, qui sait écouter et panser toutes les plaies. Et surtout garder l’espoir, malgré tout. De cette rencontre, les adolescents sortiront transfigurés mais détruits. Mères a été inspiré à son auteur par un fait divers d’une violence inexplicable dans un lycée bulgare, signe que dans cette société toutes les limites ont été dépassées. Le roman suscite beaucoup de questions d’une terrible actualité et son titre est exemplaire: comment être mère lorsqu’on a été soi-même brisée par l’arbitraire ou lorsqu’on a eu un enfant trop jeune et pas vraiment désiré ? L’écriture de Dimova, au rythme effréné, haletant, bouscule les conventions et nous laisse bouleversés et sans voix. Mères confirme ainsi la naissance d’un grand écrivain qui mérite d’être découvert par le public français.
Uppercut. En pleine face. Un écrin de noirceur.
Sofia, capitale de la Bulgarie.
Plusieurs adolescents, autant de chapitres et de témoignages, dont le seul point commun serait d’avoir des parents défaillants : dépressifs, alcooliques, indifférents.
Un nom revient dans leurs récits : Yavora. Une femme mystérieuse. Point de lumière de leurs existences sacrifiées. Qui est-elle ? Quel est son lien avec les enfants ?
Récit âpre, inspiré de plusieurs faits divers, prétexte pour dénoncer les travers de la société bulgare. La corruption, la mafia, la pauvreté et l’alcoolisme…autant de calamités dont les premières victimes sont ces jeunes, tiraillés, meurtris là où ils devraient être protégés.
Comment pourront-ils grandir, ne pas reproduire le schéma familial qui leur est imposé?
Même si les adolescents sont le point d’articulation du récit, les mères en sont l’épicentre.
Sacrifiant leurs carrières à leur maternité, elles en ressortent aigries. Elles sont dépassées par leur propre douleur. Accaparées uniquement par leur propre vie ou alors trop occupées à trouver un moyen de survivre pour pouvoir s’occuper de leurs enfants.
Elles sont l’objet de l’amour et du dévouement de leurs enfants mais elles sont également celles qui leur infligent les plus profondes blessures.
Yavora apparaît, elle, comme une figure maternelle de substitution mais elle semble si irréelle. Une sorte de métaphore de ce que l’amour parental devrait être.
Cette opposition rend le drame inévitable…
Une belle porte d’entrée pour moi à la littérature bulgare et que je vous conseille.
Est-ce que tu m’aimes, maman.
Je ne sais pas si c’est de l’affection, Andreia. Lorsque tu n’as aucun désir de faire quoi que ce soit pour ton enfant. Lorsque la seule chose qui compte au monde, c’est ton propre malheur.
Et papa, tu l’as aimé ? Non, bien sûr que non.
Mais alors, pourquoi l’as-tu épousé ?
Tout le monde se mariait. Moi aussi, je devais en faire autant.
Et tu n’as jamais été heureuse avec lui ?
Après une longue réflexion : Non, je crois que non, je crois n’avoir été heureuse que dans les buissons, lorsque je prenais les coccinelles.
Andreia et Christina se taisent. Elles se regardent dans les yeux. Elles ressentent leur attachement, leur dépendance mutuelle.