Un livre de Nina Berberova publié dans la collection Babel d’Actes sud
Ce volume des Récits de l’exil rassemble, selon un ordre chronologique, les cinq premiers « petits romans » de Nina Berberova. Chacun d’eux la désigne comme héritière ici de Tourgueniev et là de Tchekhov.
Mais de leur réunion vient une résonance nouvelle, celle d’une oeuvre que le temps a martelée dans l’oubli, pendant un demi-siècle, sans lui donner un pli et que l’on a retrouvée, à partir de 1985, aussi vivante qu’au jour de sa création. Un second volume Babel des Récits de l’exil regroupe De cape et de larmes, Le Roseau révolté et Le Mal noir.
Cinq courts récits peuplent ce premier volume consacré à l’exil.
Difficile de ne pas faire un parallèle avec la propre histoire de Nina Berberova qui quitta la Russie en 1922, à l’âge de 21 ans, pour la France puis les Etats-Unis.
Ces histoires racontent des pans de vie – plus ou moins longs – de russes émigrés en France.
Il y a du Maupassant dans ce livre, ce croquis de gens simples, souvent pessimistes.
C’est ainsi que l’accompagnatrice mêle l’amour et la haine d’une jeune femme dans l’ombre, ni belle ni talentueuse accompagnant au piano une femme à qui tout semble tout réussir. Elle l’admire tout en souhaitant être l’instrument de sa ruine.
Le second récit, Roquenval, évoque la nostalgie des terres laissées, des maisons tombant en ruine, des amours adolescentes.
La troisième histoire, revient sur le destin d’une jeune femme qui rêve d’une vie de femme entretenue. Pourtant tout devient compliqué lorsque l’on n’est pas très belle, ni plus très jeune.
La quatrième « nouvelle » est centrée sur Astachev, homme détestable, vain, égoïste et sans cœur.
Enfin, ce premier tome se conclut sur la résurrection de Mozart qui évoque un nouvel exil pour les russes, celui de la seconde guerre mondiale lors de la percée des troupes allemandes en France.
Ce qui frappe dans ce livre, à l’exception de Roquenval, c’est cette galerie de personnages. La plupart sont détestables. Pas de sympathie à prévoir pour des héros qui, pour autant, sonnent terriblement humains.
Lâcheté du quotidien, jalousie, rancœur et envie sont là. Dressant le portrait d’exilés sous leur aspect le plus sombre.
Nina Berberova n’hésite pas à changer les points de vue, les perspectives comme pour mieux appréhender toutes les facettes des destins contés.
Si tous ces récits n’ont pas la même force, l’ensemble est une lecture assez éprouvante mais ô combien passionnante.
On m’avait fait faire une robe bleue, décolletée ; le coiffeur essayer de donner de la vie et de l’éclat à mes cheveux rares et secs. Maria Nikolaevna était extraordinairement belle dans sa robe blanche, avec la natte de ses cheveux noirs autour de la tête. Suivant la mode d’alors, sa robe ne se boutonnait pas, mais s’entortillait et se nouait, et cela la faisait rire. Tu imagines – disait-elle à Pavel Fédorovitch pendant que nous roulions en voiture – si ton habit s’entortillait comme ce genre d’enveloppe ? Qu’en dirais-tu ?
Des gens portant des fleurs nous reçurent dans la loge poussiéreuse, l’imprésario, dont la barbe, ce jour-là, était teinte presque en bleu et tordue d’un côté, poussa un cri quand il vit Travina. Puis il m’aperçut.
– Comme vous êtes…jeune ! s’écria-t-il avec enthousiasme. Oui, j’étais jeune. Mais on ne pouvait dire de moi rien de plus.
Voilà une piste de lecture que je note dans mon cerveau car je m’intéresse actuellement aux récits et romans sur l’exil et en plus j’ai d’immenses lacunes en littérature russe ! Merci donc pour cette chronique ! J’avoue que les personnages principaux qui ne sont pas attachants (voir pire) sont difficiles à suivre pour moi mais si ce livre est passionnant, je peux me faire un peu violence. 😊
J’aimeAimé par 1 personne
j’aime beaucoup la littérature russe, d’une incroyable richesse et diversité, même si on la cantonne souvent à Tolstoï ou Dostoïevski 😉 Si tu veux te donner un aperçu des écrits de Nina Berberova, l’accompagnatrice (qui ouvre ce recueil) est disponible en format poche (chez Flammarion, si mes souvenirs sont bons) 😊
J’aimeJ’aime