Un roman de Sandrine Collette publié aux éditions JC Lattès
Corentin, personne n’en voulait. Ni son père envolé, ni les commères dont les rumeurs abreuvent le village, ni surtout sa mère, qui rêve de s’en débarrasser. Traîné de foyer en foyer, son enfance est une errance. Jusqu’au jour où sa mère l’abandonne à Augustine, l’une des vieilles du hameau. Au creux de la vallée des Forêts, ce territoire hostile où habite l’aïeule, une vie recommence.
À la grande ville où le propulsent ses études, Corentin plonge sans retenue dans les lumières et la fête permanente. Autour de lui, le monde brûle. La chaleur n’en finit pas d’assécher la terre. Les ruisseaux de son enfance ont tari depuis longtemps ; les arbres perdent leurs feuilles au mois de juin. Quelque chose se prépare. La nuit où tout implose, Corentin survit miraculeusement, caché au fond des catacombes. Revenu à la surface dans un univers dévasté, il est seul. Humains ou bêtes : il ne reste rien. Guidé par l’espoir insensé de retrouver la vieille Augustine, Corentin prend le long chemin des Forêts. Une quête éperdue, arrachée à ses entrailles, avec pour obsession la renaissance d’un monde désert, et la certitude que rien ne s’arrête jamais complètement.
L’apocalypse, l’héllocène, la fin des temps…quelque soit le nom que l’on lui donne. C’est arrivé.
On ne saura pas ce qu’a été la catastrophe, tant mieux au final. On en connaît juste les effets.
Ils sont incommensurables. La Terre est devenue un champ stérile, brûlé, vide de vie.
Corentin, par miracle a survécu. Dans un monde gris, froid, sans lumière. Son seul objectif, retrouver Augustine, son arrière-grand-mère qui l’a élevé.
Dans un style sublime, aux phrases hachées, Sandrine Collette imagine le monde d’après. Le monde sans rien, sans fleurs ni feuilles, ni animaux. Et tout est triste, harassant.
Tout est d’autant plus désespérant parce que malgré la souffrance, la volonté de survivre est là, inexpugnable. Rendant impossible l’abandon, le suicide mais en même temps pourquoi continuer, pour qui ?
Il y a de « La Route » de Cormac McCarthy dans ce récit. Dans ce sentiment d’écrasement qui étreint et éreinte le lecteur. Parfois trop. Lorsque les pages sont une épreuve.
L’homme qui survit n’est pas meilleur qu’avant. Il veut juste survivre. Il reste prêt à massacrer ses semblables. À ne pas leur tendre la main ou parfois si. Question de chance, de hasard, de destin, allez savoir.
C’est un récit marquant, qui interroge et dérange. Une lecture que je n’oublierai pas.
A l’automne, Corentin revint moins souvent. La tête lui tournait toujours de tant de choses nouvelles et brillantes, il avait l’impression qu’il n’arriverait pas à tout voir ni à tout faire, la vie n’y suffirait pas, il brûlait. Petit papillon qui s’émerveillait, ébloui, ailes ouvertes.
Augustine l’attendait un peu plus longtemps. Il n’y avait pas d’amertume. Elle savait que le moment viendrait où il annoncerait sa visite, elle patientait, même si le temps comptait double pour elle, à son âge, tout pouvait s’arrêter si vite. Elle regardait la télévision en pensant que Corentin était là quelque part, dans cet étrange univers auquel il s’était si bien accoutumé.
Il était là-bas et un jour, il serait là, sa présence joyeuse, éblouissante, virevoltante.
Il écrivait pour se faire pardonner ses absences.
Au téléphone, Augustine entendait mal.
Tu sais, la mer. Je n’ai pas oublié.
Elle disait : On verra.