Un livre de Milena Makarius publié aux éditions Anne Carrière
Alias Janna est le récit d’une découverte effrayante que fait l’auteure en 2014 dans les archives de la police secrète bulgare alors qu’elle accompagne sa fille qui réalise un documentaire sur ses origines. Cette révélation oppose la mère et la fille dans un conflit de générations à la recherche de la vérité et du passé.
Coincée entre la fiction politique et la fable cinématographique qui la met au pied du mur, Milena Makarius remonte le fil de son histoire qui est à la fois la sienne et celle de son double au nom de code Janna. Elle donne voix aux fantômes du passé qui la conduisent à mesurer la loi du mensonge et du silence imposée par le régime totalitaire. Récit implacable où le réel sert la fiction – et la fiction, le réel. Née en Bulgarie, Milena Makarius vit en France depuis 25 ans. Maître de conférences en littérature, elle consacre son temps entre le dessin, la peinture et l’écriture.
Résister ou collaborer. L’impression se dégage parfois que, sous une dictature, seuls deux choix sont possibles pour les populations.
Mais la réalité est souvent plus complexe que ce choix binaire.
Milena Makarius est née et a grandi en Bulgarie pendant la dictature communiste avant de venir s’installer en France.
L’heure a sonnée pour elle de se plonger dans son passé, pas vraiment par volonté propre mais parce que sa fille, Bojina, réalisatrice, décide tourner un documentaire sur l’histoire de son pays et de ses parents.
Ce livre est un dialogue, ou à tout le moins, un affrontement entre deux façons d’appréhender le passé de la Bulgarie.
D’un côté la fille décide de renouer avec cette histoire, de la prendre à bras le corps avec un film. De remonter le fil, comprendre quels rôles ont joué ses parents.
De l’autre, la mère, qui appréhende cette confrontation avec le passé. Comment assumer d’avoir été un agent des services de l’état à son insu ? Comment se pardonner et comprendre ce qu’elle considère comme une naïveté ?
Ce livre montre toute la difficulté d’ une plongée dans l’histoire récente d’un état, dans lequel se trouvait muselé la liberté.
La volonté de « transparence » affichée de la nouvelle république bulgare ne se fait pas sans une certaine ambiguïté entre dossiers tronqués et dossiers dévoilés pour régler des conflits politiques. Le silence a imprégné les couches de la société, la honte aussi.
Ce livre interroge aussi la place de la vérité dans un documentaire.
Difficile, en effet, de ne pas s’offusquer contre Bojina, impétueuse, qui ne comprend pas les réticences de ses parents, qui se retrouvent bien malgré eux « héros » de son documentaire. Elle qui semble reproduire à son échelle, la manipulation qu’elle dénonce, pour pouvoir faire éclater sa réalité.
Enfin, la question des relations mère- fille complexes, pleines de colères, d’incompréhension et d’amour est aussi centrale dans Alias Janna.
En résumé, un livre très intéressant à découvrir…
Ce n’est pas tout. Ma fille me dit qu’elle souffre, me demande si je l’aiderais à découvrir la vérité. Quelle vérité ? La généralité de sa réponse me donne une envie de rire que je réprime. La vérité du passé. Rien de moins que cela. Pathétique. Mais bien sûr, tout ce que tu veux. Je promets d’autant plus facilement qu’il n’y a aucun cadavre dans les caves familiales. Ma fille souffre pour des raisons politiques ? Incompréhensible. C’est sûrement un problème entre elle et son père, comme il y en a eu tant entre elle et sa mère. Ou bien quelque chose dans ce pays et elle, quelque faille identitaire dont une bonne série de séances chez le psy devrait pouvoir la sortir. Devant l’écran de mon ordi, emmitouflée dans le petit bonheur d’une complicité nouvelle avec elle, je ne prends pas les préoccupations de ma fille au sérieux.