Un roman d’Edith Ayrton Zangwill publié aux éditions Belfond vintage
De 1909 à 1917-1918, Londres Ursula Winfield, la belle, la brillante, la délicate, fait partie de la upper class londonienne. Elle vit dans une sublime demeure de Kensington avec sa mère et son beau-père, le colonel Hibert. Et la jeune femme n’a qu’une idée en tête : faire de la chimie !
À longueur de journée, elle s’enferme dans son laboratoire, au grenier, et s’adonne aux expériences les plus farfelues. C’est décidé, scientifique elle sera. Jusqu’à ce qu’elle croise la route des suffragettes. Une lutte acharnée démarre pour la nouvelle recrue, qui n’hésite pas à mettre sa vie en danger pour défendre sa cause. Mais, au loin, les tensions politiques grondent et la guerre est imminente. Ursula pourrait bien être prise dans un autre combat…
Ursula Winfield est une jeune femme que la passion anime. Une passion étrange dans le Londres du début du 20ème siècle : la chimie.
Au grand désespoir de ses parents, elle s’enferme des heures durant dans un grenier transformé en atelier de chimie. Seules ses recherches comptent, peu de place pour une quelconque vie sociale.
Pourtant, plusieurs changements décisifs vont s’amorcer dans la vie de la jeune femme : la découverte de l’amour et la découverte du combat en faveur du droit de vote des femmes.
Si dans un premier temps, la question du vote et les méthodes employées par les suffragettes lui paraissent secondaires voir condamnables, Ursula va revoir son point de vue face aux violences subies par les militants. La jeune femme va, aussi, réaliser que la question du droit de vote est liée aux violences, aussi bien économiques que sociales, subies par les femmes.
Que tant que ces dernières ne voteront pas, seul la voix des hommes sera prise en compte.
Ursula va alors se jeter à corps perdu dans ce combat…
Ce roman a été publié pour la première fois en 1924 dans un temps très contemporain de l’octroi du droit de vote aux femmes en Angleterre.
Si Ursula ne prendra une part active dans la lutte que tardivement, le roman permet de mieux comprendre les sacrifices consentis par celles et ceux qui ont œuvré pour le droit des femmes.
Petite précision qui a son importance : il faut attendre la moitié du roman pour que le combat des suffragettes soit véritablement évoqué.
Ce n’est cependant pas une critique, ce temps préliminaire permet de s’attacher aux personnages, et j’ai passé un moment de lecture très agréable en leur compagnie.
Ursula est parfois irritante dans son obstination et sa volonté de ne se consacrer qu’à la chimie au détriment du reste mais elle devient de plus en plus touchante au fur et mesure qu’elle découvre d’autres vocations, d’autres raisons de se battre.
L’autrice montre également bien le chamboulement qu’a été le premier conflit mondial dans l’action des suffragettes. Comment au final, les sentiments patriotiques ont pris le pas sur les revendications féministes. Comment ce conflit à laissé un goût amer à la victoire enfin acquise des suffragettes.
En bref, une lecture agréable sur la détermination d’une jeune femme à faire ses propres choix.
Fin septembre, Ursula entendit parler d’alimentation forcée pour la première fois. Elle fut très choquée. Mais son beau-père avait sans doute raison ; c’était un simple prétexte, un moyen de permettre aux suffragettes de mettre fin à leur grève de la faim sans perdre leur dignité.
Puis, un jour, de retour en ville, elle tomba sur une affiche où l’on voyait une photographie de femmes alimentées de force. « Femmes torturées en prison » en était le titre. Et sous la photo, cette injonction : « Votez contre le gouvernement. » C’était une image très déplaisante et une méthode pour échapper à la prison des plus repoussantes. Le simple fait de la regarder donna la nausée à Ursula. Mais, après tout, elle n’avait aucune preuve que cela se déroule ainsi. L’affiche avait été imprimée par les suffragettes à des fins de propagande : leur propension à l’exagération était tristement célèbre. Malgré tout, elle se sentait mal à l’aise. Il était horrible de penser que Mary Blake ait subi une pratique qui approche même de loin la scène photographiée. Elle devait obtenir des informations solides sur le sujet.