Révoltée

Un livre d’Evguénia Iaroslavskaïa-Markon publié aux éditions Points

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Voici le récit d’une vie brûlante, écrit à la hâte dans sa cellule par une jeune femme de vingt-neuf ans qui se doute qu’elle va mourir : « Si je raconte tout cela avec tant de franchise, c’est parce que je m’attends de toute manière à être fusillée. » Elle le sera en effet, en juin 1931, au « camp à destination spéciale » des îles Solovki, quelques mois après son mari le poète Alexandre Iaroslavski.


« Étudiante pleine de rêves », ainsi qu’elle se définit elle-même, Evguénia, vite dégoûtée par la dictature des bolchéviks, se convainc que le monde des voyous forme la seule classe vraiment révolutionnaire. Elle décide de vivre dans la rue et de devenir une voleuse, à la fois par conviction politique et aussi par un goût du risque qu’elle confesse. Loin de l’imagerie héroïque de la « construction du socialisme », c’est le Moscou et le Léningrad des marginaux, enfants des rues, ivrognes, prostituées, vagabonds, qu’elle nous fait découvrir dans une langue sans fioritures.


Révoltée n’est pas le titre donné par Evguénia Iaroslavskaïa-Markon à son autobiographie. Elle ne l’a pas conçu comme un récit qui serait publié. Elle n’en a pas eu le temps. Sa vie s’est achevée à l’âge de 29 ans, fusillée dans un camp des Îles Solovki pour avoir tenter de tuer le commandant de ce camp.

Avant cette mort, elle aura l’opportunité de coucher par écrit sa vie, ses convictions, son amour pour la pègre, pour son mari Alexandre Iaroslavski, poète.

Ce court témoignage est rédigé avec une fulgurance, une vivacité de plume, une audace et une non-compromission.

Fille d’intellectuels, la jeune fille s’est éprise de la révolution, pas celle des bolcheviks mais de façon globale, celle qui vise à renverser le pouvoir établi.

Elle est convaincue que le milieu de la pègre peut être un élément dissident majeur. Attirance étrange pour ce milieu aux marges, avec une vision somme toute romanesque de ces bas-fonds, elle les rejoindra suite à l’arrestation de son mari.

Cette vision idéalisée pourrait lui être reprochée comme une naïveté mais elle ne s’est pas contentée de rêver, elle a vécu dehors, à la marge, se transformant en voleuse.

Arrestations , détentions, relégations, elle semble d’airain.

Elle rappelle par son récit, au-delà de ses positions, de ses désirs, que tout totalitarisme échouera car il trouvera toujours des esprits libres et indomptables comme le sien pour refuser de ployer le genou.

De même que l’Etat est toujours soutenu par telle ou telle classe, de même la révolution est soutenue par telle ou telle classe à telle ou telle époque. Mais une classe révolutionnaire peut devenir gouvernante (par exemple, la bourgeoisie française) et inversement ; quant à la classe essentielle de la révolution (voleurs, voyous), elle ne saurait devenir gouvernante, tout comme la classe principale de l’Etat (fonctionnaires, militaires) ne saurait devenir révolutionnaire, et ne peut que passer du régime  au services d’un autre régime. (Ici, j’entends par « militaires » les spécialistes, les officiers, et non les appelés).  Ainsi, pour résumer : l’Etat et la révolution sont les deux plateaux d’une même balance, donc chacun tend sans cesse à pencher de son propre  côté et en même temps n’a aucun sens sans l’autre…

7 réflexions sur « Révoltée »

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