Les trois sœurs qui faisaient danser les exilés

Un roman d’Aurélia Cassigneul-Ojeda publié aux éditions Ateliers Henry Dougier

les trois soeurs qui faisaient

« Elles s’appelaient Flora, Begonia, Rosa. Elles étaient trois, elles étaient soeurs. Elles habitaient cette maison, à Cerbère, cette grande maison qu’aujourd’hui j’habite. Sous leurs fenêtres l’histoire roulait des flots d’hommes et de femmes. Sous leurs fenêtres la mer se balançait. Un jour elles sont parties, ont tout abandonné ».


Seul, blessé, Gabriele s’installe à Cerbère pour commencer une nouvelle vie. Il achète la Maison des fleurs, une grande bâtisse rose qui surplombe le port, abandonnée depuis des années ; il plonge alors dans la vie de trois jeunes femmes, trois soeurs qui l’habitaient, prises à leur insu dans les griffes de l’histoire, de la Retirada espagnole à la résistance française.
À trente années d’écart Gabriele revit leurs peurs, leurs joies, leurs amours et la mémoire de l’exil


Gabriele fuit. Agen, sa femme qui l’a quitté. Direction le sud, le soleil : Cerbère pour devenir directeur d’un centre nautique.

Un nouveau départ, loin de cette tristesse qui s’accroche à ses pas.

Un nouveau départ grâce à une rencontre : celle d’une maison hantée par le souvenir de ses habitants : un père et ses trois filles, Rosa, Flora et Begonia.

Une maison pleine de leurs rires, de leurs dessins, de leurs musiques mais aussi pleine de souffrance. La leur et celle des républicains espagnols qu’elles ont hébergés, leur offrant quelques nuits de répit dans leur exil.

À travers cette histoire, ce déracinement, cet exil espagnol, Gabriele va renouer avec sa propre histoire, celle de sa famille qui est partie d’Italie.

Ce roman est délicat, plein de souvenirs, mais qui sont évoqués de manière subtile, légère, sans s’appesantir sur la souffrance des uns et des autres.

Si on découvre d’abord une maison et une famille qui semblent idylliques, l’on sent imperceptiblement avec les phrases hachées et brèves de l’autrice que les épreuves et les secrets sont là, tapis l’ombre.

Car l’exil et le déracinement laissent toujours des traces que l’on cherche à renouer ou à fuir son passé.

Flora raconte tout. De son écriture appliquée et régulière, tranquille. C’est l’aînée, la plus belle, cet air lointain, ses yeux profonds, noirs, ses cheveux ramassés en chignon. Je la contemplais sur la grande photo au-dessus de son lit, l’imaginais au milieu de tous ces réfugiés, calme, rassurante ; avec Luisa, elle leur sert à manger. Elle chante une berceuse à ce petit garçon qui ne peut pas dormir, écoute cette femme aux yeux tristes et bleus qui a perdu son mari, sans qui elle ne sait plus ; ce vieil homme harassé par la route, déprimé par la défaite et qui tousse, tousse à s’arracher les poumons. Elle donne les noms, raconte les histoires de tous ces inconnus arrivés chez elle, au hasard de leur déroute. Avec tant de détails, de précision que je sens son intérêt, sa compassion totale : un monde nouveau s’ouvre à elle dans ces premiers jours de la retirada.

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