Les quatre vies d’Arseni

Un roman d’Evgueni Vodolazkine publié aux éditions des Syrtes

Le héros, Arséni, naît en 1440 près du monastère Saint-Cyrille du lac Blanc et meurt en 1520 au terme d’une longue vie qui le conduit de son lieu de naissance à Pskov, puis jusqu’à Venise et Jérusalem, avant de le ramener à son point de départ. Ses dons de guérisseur lui valent partout où il séjourne une grande renommée et pourraient lui assurer honneurs et fortune. Mais, ayant involontairement causé dans sa jeunesse la mort de la femme aimée sans qu’elle ait reçu les sacrements de l’Église, il renonce à tous biens terrestres et tente par la mortification d’obtenir le rachat de celle qu’il ne veut pas livrer au néant.


Chronique imaginaire d’un être tourmenté par la sainteté, ce roman-fable nous entraîne dans une Russie du Moyen Âge ravagée par la peste et dans le quotidien d’un petit peuple humble et brutal, de moines énergiques et visionnaires, de pèlerins exposés aux dangers de longs voyages. Inspiré par des vies de saints russes, stylistiquement aussi dentelé que les feuilles d’un herbier, il dépayse fortement, tout en nous menant aux sources du christianisme russe.


Arseni est un jeune orphelin élevé par son grand-père. Arseni est un guérisseur, un iourodivy, un moine. Arseni est tout cela car une vie n’est jamais qu’une seule chose.

Mais surtout Arseni souhaite sauver la femme qu’il aime, sauver son âme immortelle et pour ce faire, il doit sacrifier sa vie pour racheter ses péchés.

Ce récit nous entraîne dans un moyen-âge mystique, empreint de spiritualité et de religion. Les guérisons ne sont pas que le fait des plantes mais des miracles de la volonté divine. C’est le moyen-âge russe comme l’ont probablement ressenti ses contemporains.

L’auteur joue tout au long de son récit avec le temps. Linéaire ou cyclique. Se répétant mais jamais vraiment le même. Ce jeu se retrouvant dans le style même de l’écriture avec des bonds de temporalité, du vieux vocabulaire ou des événements plus contemporains.

L’auteur, dans sa préface, évoque comme thème de son roman le sacrifice, comme une notion dépassée à l’aune de notre société tournée vers la réussite individuelle. Il est vrai qu’une vie tournée vers les autres comme celle d’Arseni interroge, nous renvoie à nos propres existences.

Les Quatre vies d’Arseni est tout cela mais c’est surtout une histoire d’amour. Celle d’un amour immature, fait de possessivité et d’exclusivité qui va devoir se faire abnégation pour sauver l’être aimé.

Un roman pour plonger dans l’âme d’un pays, d’une époque et qui sait, y trouver le reflet de notre société.

Tu sais, mon amour, j’ai perdu l’habitude de la beauté dans la vie, dit Arseni à Oustina. Et elle apparaît si soudainement à la traversée de la rivière que je reste sans voix. D’une rive, c’est moi qu’on voit plein d’ulcères et de poux, et de l’autre rive on voit une telle beauté. Et je suis heureux de souligner cette grandeur par ma misère, c’est un peu comme si je participais à sa création.
Quand le soir tomba, Arseni se promena près de la rivière. Il arriva enfin à un rempart. Il le longea et remarqua une brèche étroite. L’obscurité y était plus profonde qu’à l’extérieur. A tâtons, Arseni entra. Quelques lampes à huile brûlaient devant lui. Dans leur faible lumière on devinait les contours de plusieurs croix. C’était un cimetière. Quel endroit magnifique, pensa Arseni. On ne peut rêver mieux. C’est juste ce qu’il me faut en ce moment. Il prit une lampe et mit ses mains au-dessus. La chaleur se répandit dans tout son corps. Arseni mit son sac sous sa tête et s’endormit.
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