Un roman de Yamen Manai publié aux éditions Elyzad

Aux abords de Nawa, village de l’arrière-pays, le Don, apiculteur, mène une vie d’ascète auprès de ses abeilles, à l’écart de l’actualité. Pourtant, lorsqu’il découvre les corps mutilés de ses « filles », il doit se rendre à l’évidence : la marche du monde l’a rattrapé, le mettant face à un redoutable adversaire. Pour sauver ce qu’il a de plus cher, il lui faudra conduire son enquête dans une contrée quelque peu chamboulée par sa toute récente révolution, et aller chercher la lueur au loin, jusqu’au pays du Soleil-Levant.
En véritable conteur, Yamen Manai dresse avec vivacité et humour le portrait aigre-doux d’une Tunisie vibrionnante, où les fanatiques de Dieu ne sont pas à l’abri de Sa foudre. Une fable moderne des plus savoureuses.
Le Don élève ses abeilles, ses filles. Appréciant le calme et la quiétude de cette vie retirée dans un village d’un pays qui ressemble à s’y méprendre à la Tunisie.
Ce pays a eu à sa tête un Vieux, chassé par un Beau, lui-même expulsé du pouvoir par une révolution…toute ressemblance avec une situation ayant existé n’étant clairement pas fortuite.
Un jour, le Don observe un phénomène inquiétant : des milliers de ses filles sont mutilées par un ennemi inconnu de tous… S’ensuit une recherche effrénée pour trouver une solution, pour sauver les autres ruches d’une mort certaine.
Ce roman est un vrai coup de cœur, une œuvre poétique et puissante.
L’on y parle d’abeilles, certes, mais de tellement d’autres choses. Cette lutte pour sauver ces insectes est une formidable allégorie, une image de la vie, menacée par l’obscurantisme.
Yamen Manai nous montre comment l’espoir d’une révolution populaire a laissé la place à des fanatiques.
Comment la pauvreté a facilité l’appropriation de la révolution par des hommes qui ont bien compris qu’un bulletin de vote peut s’acheter à coût de caisses de vivres ou de vêtements.
Comment les femmes ont été enfermées ou se sont enfermées volontairement dans un monde rigoriste.
Comment la culture et la connaissance cèdent le pas au consumérisme. À l’égoïsme forcené.
À l’inverse de cette obscurité, la lumière et la sagesse du Don, celle de la création face à la haine des autres résonne comme un oasis d’humilité et de bonté.
Si la tristesse se ressent à chaque page, face à ce gâchis venu et à venir, il n’en demeure pas moins qu’une grâce et une espérance sont également présentes.
Ce roman dont j’ai savouré chaque page est encore une très belle découverte aux éditions Elyzad que je vous invite à découvrir.
« Le royaume se transforma à mesure que le monde changeait et consacrait le pétrole comme énergie première. Et même si le baril était bradé pour les amis, la manne qu’il rapportait avait de quoi éradiquer la faim, explorer les abysses des océans et les fins fonds de l’espace. Il n’en fut rien. Le roi et sa descendance avaient pour cette rente des projets de moindre ampleur. Des palais avec toilettes ornées de pierres précieuses, des Ferrari montées sur des jantes en or, des concerts privés de stars du show-biz, et les machines à sous des casinos de Las Vegas.
Mais pour ne pas entacher leur réputation aux yeux des fidèles, les excès des auto-proclamés gardiens de la foi étaient des secrets bien gardés. Mieux encore, ils avaient réussi la prouesse de figer le temps, entretenant par-dessus l’Arabie une chape moyenâgeuse, n’autorisant qu’une modernité de façade faite de télévisions, de chips et de pots de mayonnaise… »