Doubar et autres récits du Goulag

Un livre de Gueorgui Demidov traduit par Antonio Garcia, Alexandra Gaillard et Colette Stoïanov, publié aux éditions des Syrtes

Doubar et autres récits du Goulag est le premier recueil des trois tomes (actuellement en traduction) de Gueorgui Demidov, auteur oublié du Goulag, véritable écrivain, égal de Varlam Chalamov et d’Alexandre Soljenitsyne.

Il est exceptionnel de découvrir une trace littéraire méconnue du Goulag. Tel est le cas des récits de Gueorgui Demidov, témoignages de ses quatorze années passées à la Kolyma, ce « pole de la férocité » de la géographie concentrationnaire soviétique pourtant riche en espaces inhospitaliers. « J’écris parce que je ne puis faire autrement ! » déclare-t-il, alors que ses récits circulent en samizdat. En effet, son témoignage ne peut pas voir le jour dans une URSS où, après une très superficielle déstalinisation, on enjoint l’oubli aux victimes des répression.


Lorsque l’on évoque les écrivains du goulag, deux noms viennent immédiatement en tête : ceux de Soljenitsyne ou Chalamov.

Pourtant, d’autres ont écrits sur ce monde concentrationnaire, mais n’ont pas eu la même reconnaissance internationale. Et ce, malgré un talent évident comme cela est le cas pour Gueorgui Demidov.

Ce physicien a été condamné à 18 ans de déportation. À son retour, il a ressenti la nécessité d’écrire sur cette terrible expérience. Ses récits ont circulé, clandestinement, avant d’être confisqués par le KGB. Ils ne seront restitués à sa famille en 1988, soit un an après sa mort.

Gueorgui Demidov utilise donc son vécu de prisonnier pour nous raconter le goulag. S’accrochant à un petit détail qui,dans cette horreur, révèle toute son importance.

Dans Doubar, c’est ainsi l’ensevelissement d’un nouveau-né qui, aussi étrange que cela puisse paraître, est comme une lueur d’espoir et d’humanité pour le zek chargé de la besogne.

Ou bien, c’est la réalisation d’une œuvre d’art qui consume un prisonnier, lui permettant de survivre à travers elle, au-delà de sa mort.

L’auteur nous entraîne, également, dans les pas d’un gardien, dépassé par ce milieu concentrationnaire, incapable de le comprendre.

Ces récits sont très touchants, plein d’empathie pour tous ces destins brisés.

Demidov s’attache à rendre une dignité, une humanité perdue pour ces détenus que les conditions de détention rendaient sensibles à la seule satisfaction de leurs besoins primaires : manger, se réchauffer, se reposer.

Les différents récits éclairent, de même, la mécanique du régime soviétique, de son auto-destruction, conduisant à se trouver perpétuellement des ennemis même parmi les fidèles, cela ressortant particulièrement de la nouvelle « Les deux procureurs ».

L’éclairage particulier sur les différents aspects du goulag, sur ses différents « protagonistes », le tout servi par une très belle plume font de ce livre un coup de cœur pour moi.

Les éditions des Syrtes ont décidé de publier l’ensemble de l’œuvre de Demidov, et vu la qualité de ce premier livre, j’ai vraiment hâte de lire les autres.

Et vous, avez-vous envie de découvrir ces récits du goulag ?


« J’étais encore sous l’influence de mes pensées sur le combat du Vivant et de la Matière morte et ne voulais pas que le froid chaos des glaces et des monts engloutisse et dissolve trop vite les restes de ce petit être humain. C’est probablement pour cette raison, suivant en cela l’antique besoin de l’Homme doué de raison de croire à la Vie même après la mort, que j’avais, presque inconsciemment, dressé ce signe de Vie sur la tombe du petit défunt. Ce signe était primitif et fruste, mais c’était le symbole de cette géométrie parfaite à laquelle le chaos est étranger et hostile. C’était sans doute une idée semblable qui avait poussé à ériger des monuments funéraires tels que les obélisques, les pyramides ou les croix elles-mêmes. »

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