Un roman de Fiodor Dostoïevski traduit par Albert Mousset et publié aux éditions Folio

Il y a lieu de croire que Rogojine éprouva cette brusque sensation d’épouvante ; venant s’ajouter à tant d’autres émotions, elle l’immobilisa sur place et sauva le prince du coup de couteau qui allait inévitablement s’abattre sur lui. Rogojine n’avait pas eu le temps de se rendre compte de l’attaque qui terrassait son adversaire. Mais, ayant vu celui-ci chanceler et tomber soudainement à la renverse dans l’escalier, la nuque portant contre une marche de pierre, il était descendu quatre à quatre en évitant le corps étendu et s’était enfui de l’hôtel presque comme un fou.
Le prince Lev Nikolaïévitch Mychkine est de retour dans sa patrie, la Russie.
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L’orphelin a passé des années en Suisse à soigner son mal, l’épilepsie, qui aux yeux de beaucoup faisait de lui un idiot.
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Plutôt qu’utiliser un tel terme, il faut convenir que le prince est un homme étrange, d’une naïveté confondante et d’une infinie compassion.
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Très vite, il va se trouver mêler à une famille, les Epantchine mais surtout à une jeune femme à la beauté mais à l’âme dérangée : Nastassia Filipovna.
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Ce roman de Dostoïevski est dense et très réussi, quoique clairement pas le plus accessible de ses écrits.
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Le prince est perdu, avec son amour et sa compassion, tel une figure christique au milieu des hommes et de leurs bassesses que bien souvent il n’imagine pas. Cela ne l’empêche pas d’accorder son pardon à tous. Ce décalage entre son comportement et les règles de la vie sociale semble montrer que pour l’auteur, le retour d’une telle figure ne serait pas saluée mais honnie par les hommes.
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Il est aussi intéressant de noter que certains passages du livre semblent se réfèrer directement à l’expérience de Dostoïevski : le simulacre d’exécution ou encore, les crises d’épilepsie.
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Ce roman traite aussi d’amour. Cependant pas d’un amour simple, réciproque mais de l’amour teinté de passion, allant jusqu’à la haine. De l’incompréhension, de l’amour compassion, de l’amour de l’argent, du souhait de possession.
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De viol aussi, et de la volonté d’auto-destruction de sa victime.
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Un roman à lire et à relire pour en saisir toutes les subtilités.
« Près de là s’élevait une église dont la coupole dorée brillait sous un soleil éclatant. Il se rappelait avoir fixé avec une terrible obstination cette coupole et les rayons qu’elle réfléchissait ; il ne pouvait pas en détacher ses yeux ; ces rayons lui semblaient être cette nature nouvelle qui allait être la sienne il s’imaginait que, dans trois minutes, il se confondrait avec eux…Son incertitude et sa répulsion devant cet inconnu qui allait surgir immédiatement étaient effroyables. Mais il déclarait que rien ne lui avait été alors plus pénible que cette pensée : « Si je pouvais ne pas mourir ! Si la vie m’était rendue ! quelle éternité s’ouvrirait devant moi ! Je transformerais chaque minute en un siècle de vie : je n’en perdrais pas une seule et je tiendrais le compte de toutes ces minutes pour ne pas les gaspiller ! » Cette idée finit par l’obséder tellement qu’il en vint à désirer d’être fusillé au plus vite. »