Un roman d’Anouar Benmalek publié aux éditions Emmanuelle Collas

A la frontière entre Turquie et Syrie se présente un étrange candidat au Jihâd, du nom de Tammouz. Qui est-il, cet avatar du diable, aimé des chats ? Parti à la recherche de la femme qu’il a aimée , Tammouz rencontre sur sa route Zayélé, adepte d’une vieille religion minoritaire, mais aussi Adams, engagé avec le Kurde Ferhat dans les forces démocratiques syriennes qui se battent contre Daesch, ou encore Houda et Yassir, l’apprentie artiste et son amant, tous les deux en fuite… Des personnages attachants qui, dans une Syrie devenue folle, devront choisir entre conscience et survie.
La première fois que j’ai entendu parler de ce livre, c’était lors d’un VLEEL avec Emmanuelle Collas. Son enthousiasme pour ce roman transparaissait par écran interposé et je me suis noté ce titre, clin d’œil à Gabriel Garcia Marquez.
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Le hasard faisant bien les choses, je l’ai trouvé peu après, alors que je flânais dans une librairie.
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Et me voilà embarquée pour la Syrie. Terre maudite et ensanglantée depuis des années.
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À la suite de Tammouz, un être sans âge qui cherche à retrouver le souvenir d’un amour perdu.
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De Zayélé, mère de famille yézidie et de ses deux enfants.
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De Houda et de Yassir qui s’aiment et doivent mourir pour cet amour hors mariage.
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D’Adams qui veut réparer un crime qu’il a commis et recherche l’absolution en combattant au côté des YPG.
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Il y a quelque chose de presque irréel à parler d’amour quand la guerre et les hommes ravagent tout. Lorsque les épreuves séparent les êtres qui s’aiment. Lorsque le temps déroule son flot entraînant irrémédiablement une fin tragique.
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Pourtant dans tout ce marasme et ce chaos, c’est peut-être bien la dernière chose qui fait sens, qui rend la beauté à l’humanité. Qui fait déplacer les montagnes et commettre le pire.
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Ce roman est excellent. L’auteur réussit à tisser un roman sur un sujet difficile à traiter, de manière humaniste, réaliste mais sans pathos superflu avec une histoire dont on ne peut se détacher tellement l’empathie se créée pour cette galerie de personnages.
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La complexité de la situation syrienne est présentée ainsi que les atrocités commises par les belligérants. La cruauté des viols, des tortures, des enfants envoyés au suicide…rien n’est épargné au lecteur. Pourtant, ce roman est baigné d’une lumière, qui persiste, faible mais forte comme le lien qui unit deux frères, une mère et ses fils, un jeune couple…
Anouar Benmalek livre un roman parfaitement maîtrisé qui rejoint sans conteste la liste de mes plus belles lectures de l’année.
« De toute manière, ce pays est encore plus indéchiffrable que dans ses pires cauchemars : les enragés de l’Etat islamique se battent contre le régime de Damas et contre toutes les autres milices, islamistes en particulier, sans excepter al-Qaïda ; les chiites aléoutes se battent contre les sunnites de tous bords ; les Kurdes désunis luttent contre Daesh, contre les Turcs et, parfois, contre – ou avec, selon le jour de la semaine – le régime de Damas ; l’aviation des Russes soutient le régime en bombardant les rebelles, barbus ou non, sans épargner les civils ; les Saoudiens et les Emiratis financent sans vergogne des groupes salafistes ; les Américains, après avoir déclenché en Irak la « mère de toutes les catastrophes », montent des opérations tordues avec leurs alliés israéliens contre les Iraniens, eux-mêmes patrons du Hezbollah, accouru à toute vitesse du Liban ; les minorités encore plus minoritaires, comme les chrétiens, les Araméens, les Turkmènes, les Tcherkesses, les Chaldéens se retrouvent comme des fourmis sur un terrain où se battraient des éléphants furibards. »