Un roman d’Alexandre Kouprine traduit par Henri Mongault et L. Desormonts publié aux éditions des Syrtes

Nous somme à la fosse, quartier des prostituées d’une ville russe, au début du XXe siècle. Parmi cette foule de visage et de caractères, on découvre Liouba, jeune femme simple discrète, qu’un étudiant tente de sauver de sa condition en la retirant de la maison publique, et Jénia, qui, se sachant malade, décide de contaminer tous ses clients. À travers ces deux personnages aux destins tragiques, Alexandre Kouprine dépeint, dans un style direct et sans ambages, vie quotidienne des « filles » et de leurs habitués, da décor pittoresque des bas-fonds de la Russie impériale.
Débarrassé de tout moralisme pesant, ce roman réaliste provoquera un immense scandale lors de sa sortie en y La Fosse aux filles établira Alexandre Kouprine comme l’une des principales figures de la littérature humaniste russe du XXe siècle. Kouprine quittera la Russie bolchevique pour connaître un long et pénible exil à Paris. Usé par les privations, malade, il rentrera à Moscou en 1937, peu avant sa mort.
Bienvenue à la Fosse.
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Un nom qui, à lui seul évoque la décadence. Et pour cause, il s’agit du quartier abritant les maisons closes d’une ville russe méridionale, au 19ème siècle.
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Bienvenue au sein de la maison d’Anna Marcovna, établissement de second ordre entre l’hôtel de passe à soldats et l’établissement de luxe. Une sorte de milieu de gamme pour les fonctionnaires et étudiants qui viennent s’encanailler.
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Un terme légèrement coquin qui vient masquer une réalité beaucoup moins reluisante : celle des filles vendues par leurs parents, abusées par des professeurs, passant de mains en mains avant d’atterrir dans la Fosse.
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Un microcosme à part entière mais qui accueille tous les hommes de la ville : qu’ils soient riches ou pauvres, vieux ou jeunes, beaux ou difformes. Tous viennent se servir d’une femme pour quelques pièces.
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C’est dans cette société de parias qu’évoluent Jenka, Liobcka, Tamara et les autres.
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L’une est malade de la syphilis mais décide de contaminer le plus d’hommes possibles. L’autre est emmenée par un homme qui rêve de la sauver et de l’éduquer.
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Mais, échappe-t-on jamais à une vie prématurément brisée ?
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Kouprine livre un récit très cru sur la prostitution, sans angélisme, ni solutions. Un récit comme une fenêtre ouverte sur l’exploitation sexuelle. Il dénonce l’hypocrisie des hommes qui, quelque soit leurs opinions politiques, se retrouvent au bordel sans considération pour les prostituées.
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D’ailleurs, l’auteur n’hésite pas à offrir davantage la parole aux hommes entourant les prostituées qu’à ces dernières, comme si elles étaient encore dépossédées de leurs paroles, cibles de la curiosité malsaine. À moins qu’il n’ait pas oser prendre la parole à la place de ces femmes, leur voler ce dernier pouvoir. Il appartiendra à chaque lecteur de se faire son opinion.
Ce roman est dur, mais excellent. L’on y retrouve encore la plume sans fioritures, efficace de Kouprine. Ce récit qui fit, sans surprise, scandale à sa sortie mérite d’être davantage reconnu aujourd’hui.
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Et vous, l’avez-vous déjà lu ou en avez-vous entendu parler ?
» Il est deux heures après midi. L’établissement de second ordre, tarifé à deux roubles, d’Anna Marcovna, est encore plongé dans le sommeil. Dans le silence et la pénombre, avec ses deux douzaines de chaises de peluche rangées le long des parois, ses miroirs aux cadres dorés, son lustre de milieu en cristal taillé et ses tableaux représentant Le Festin du Boyard et Le Bain de Makovski, la grande salle carré a un air de sévérité, de gravité, de tristesse étrange. Hier soir, comme chaque soir, les lumières brillaient, la musique retentissait, la fumée bleue du tabac flottait dans l’air, les couples enlacés, se déhanchant, levant la jambe, tourbillonnaient dans un cancan échevelé. Et la rue, grouillante d’hommes et de voitures, bouillonnait, illuminée par les lanternes rouges accrochées au fronton des porches et par la clarté tombant des fenêtres. »
Je viens de lire Le bracelet de grenats que j’ai trouvé trop sentimental. Ce titre-ci semble d’une tonalité toute autre : je le note !
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Oui, le registre est tout à fait différent ! J’ai beaucoup aimé aussi la sorcière Olessia mais, il est un peu sentimental 😉
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C’est seulement la deuxième fois que je lis un article sur l’auteur, je ne le connaissais pas avant. Et je suis très intéressée. Cela fait trop longtemps que je ne me suis pas promenee dans le catalogue des éditions des Syrtes.
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Les éditions des Syrtes sont vraiment une valeur sûre pour moi !
N’hésites pas à te laisser tenter par Kouprine, je trouve ça tellement injuste qu’il soit un peu tombé dans l’oubli en France…
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Voilà un auteur russe que je n’ai jamais encore lu et qui mérite pour sûr d’être découvert. Pour le moment, pour être très honnête, ce n’est pas forcément des livres russes que j’ai envie de lire…
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