Un roman d’Anaïs Llobet publié chez les éditions de l’Observatoire

Dans le pays où est né Oumar, il n’existe pas de mot pour dire ce qu’il est, seulement des périphrases : stigal basakh vol stag, un « homme couleur de ciel ».
Réfugié à La Haye, le jeune Tchétchène se fait appeler Adam, passe son baccalauréat, boit des vodka-orange et ose embrasser des garçons dans l’obscurité des clubs. Mais il ne vit sa liberté que prudemment et dissimule sa nouvelle vie à son jeune frère Kirem, à la colère muette.
Par une journée de juin, Oumar est soudain mêlé à l’impensable, au pire, qui advient dans son ancien lycée. La police est formelle : le terrible attentat a été commis par un lycéen tchétchène.
Des hommes couleur de ciel est l’histoire de deux frères en exil qui ont voulu reconstruire leur vie en Europe. C’est l’histoire de leurs failles et de leurs cicatrices. Une histoire d’intégration et de désintégration.
Un attentat. Endeuillant la ville de la Haye. Horreur de la violence aveugle frappant des lycéens. Effroi causé par un autre lycéen.
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Un lycéen taiseux, vêtu de noir, refusant les cours de sports mixtes. Kirem Akhmaïev. Un jeune tchétchène.
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Sa professeure de russe, tchétchène elle-aussi, Alissa, se demande ce qu’elle aurait pu faire pour éviter ce drame.
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Quand à Oumar, frère de Kirem, celui-ci est vite arrêté, malgré son alibi : un rendez-vous avec un autre homme. Oumar, qui se fait appeler aussi Adam, lorsqu’il met du fond de teint et va draguer les hommes dans les clubs.
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Ce point de départ, celui de l’attentat, permet de traiter de l’identité.
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Alissa, la professeure, qui n’assume pas ses origines tchétchènes, préférant se dire russe. Le cœur et l’âme encore heurtés par la guerre mais s’efforçant de s’intégrer, au mieux, comme si cela pouvait changer son passé.
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Oumar, dont l’homosexualité équivaut à une condamnation à mort auprès des siens, oscille entre moments de liberté lorsqu’il est Adam et culpabilité. Lui le tchétchène, dont la langue natale n’a même pas d’équivalent pour le mot « homosexuel ».
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Ce roman se lit très vite et offre une belle réflexion sur l’identité, ce que l’on tente de fuir en vain, ce passé que l’on ne peut changer et le poids des traditions.
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La plume est vive et alerte, les pages défilant à toute vitesse, réussissant à faire monter un suspens crescendo. Une lecture qui montre encore l’impossibilité d’être soi et de se détacher de son passé.
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Une lecture qui me donne encore plus envie de découvrir le nouveau roman d’Anaïs Llobet.
« Elle s’en sentait tout à fait incapable. Sa mère n’avait jamais pleuré devant son mari. Elle s’enfermait de longues heures dans la cuisine et n’en sortait qu’avec des yeux rouges et gonflés. « J’ai épluché cent oignons », disait-elle avec un petit rire. Alissa n’aurait su dire si cette incapacité à exprimer ses émotions relevait d’un trait de famille ou d’une particularité tchétchène. Mais il lui semblait que présenter un visage neutre et inaltérable était la seule façon de faire face aux évènements de la veille. »