La veilleuse des Solovki

Un récit de Boris Chiriaev traduit par Anne Kichilov publié aux éditions des Syrtes


La Veilleuse des Solovki décrit la naissance du premier camp de concentration soviétique. Installé dans le monastère des îles Solovki, dans la mer Blanche, il allait devenir le symbole de la répression bolchevique. Le témoignage de Chiriaev est édifiant : les premiers balbutiements ont cédé la place, à partir de 1925, à un système d’extermination par le travail. L’auteur raconte le quotidien harassant mais aussi l’effervescence intellectuelle, spirituelle, scientifique et artistique tolérée dans le camp à ses débuts. Dans ce récit déchirant, il donne le premier rôle à l’homme qui, même dans les pires moments, peut garder son humanité.


Avant la Kolyma, ce sont les Solovki qui ont été synonyme de souffrances et de mort pour les prisonniers du régime soviétique.

Les îles Solovki étaient occupées historiquement par des moines. Des exilés volontaires remplacés par des prisonniers, anciens officiers, nobles, prostituées, brigands. 

Une société protéiforme, allant des privilégiés de l’ancienne Russie tsariste aux habitants des bas-fonds. 

Boris Chiriaev, auteur de ce livre, a connu la déportation aux îles Solovki, et survécut.

Il a été déporté dans les premiers temps de l’institution carcérale. Lorsque l’ancienne intelligentsia n’avait pas encore été totalement décimée et se retrouvait dans cet ancien monastère. Donnant à cet emprisonnement des caractéristiques qui ne se retrouveront pas par la suite. 

Chiriaev fait le choix de citer les moments où les prisonniers ont réussi à dépasser leur condition terrible pour conserver leur humanité : création d’une compagnie de théâtre ou d’un musée anti-religieux, meilleur moyen de préserver les reliques du monastère au nez et à la barbe des tchékistes.

On ne ressent que très partiellement l’effroi et les souffrances des hommes et des femmes à travers quelques allusions. Quelques scènes qui en sont, d’autant plus, poignantes. 

L’auteur possède une grande foi, il donne donc à son récit un aspect religieux, une épreuve pour s’élever, comme un Golgotha. 

Ce roman, passionnant, ne présente pas une structure narrative linéaire mais doit être envisagé comme une série d’instantanés fonctionnels, basés sur l’expérience de Chiriaev. Il n’est pas le mieux indiqué si le lecteur souhaite comprendre le mécanisme des Solovki mais offre une perspective originale de ce qu’a pu être une telle déportation, sur la façon dont les hommes et femmes ont pu transcender la souffrance. 


« Le canon de la carabine pointait toujours. Un lien invisible, mais invincible, me reliait à lui : je ne pouvais pas le quitter des yeux ; je fixai aussi la main velue qui tenait l’arme, l’index sur la détente. Cette main rougeaude, les plis des articulations, son duvet roux qui s’enfonçait dans le revers des manches, cette main, je m’en souviendrais toute ma vie. J’avançai. Le canon de l’arme s’approcha…il se leva…Non, ce n’était qu’une impression. Mais l’univers se résuma à cette arme reposant sur le rebord de la fenêtre. Encore dix pas…huit…six…cinq…La main velue cachait le reste de l’univers ; elle était énorme, elle détenait la vie et la mort. »

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