Le colonel ne dort pas

Un roman d’Emilienne Malfatto publié aux éditions du sous-sol


Dans une grande ville d’un pays en guerre, un spécialiste de l’interrogatoire accomplit chaque jour son implacable office. La nuit, le colonel ne dort pas. Une armée de fantômes, ses victimes, a pris possession de ses songes. Dehors, il pleut sans cesse. La Ville et les hommes se confondent dans un paysage brouillé, un peu comme un rêve – ou un cauchemar. Des ombres se tutoient, trois hommes en perdition se répondent. Le colonel, tortionnaire torturé. L’ordonnance, en silence et en retrait. Et, dans un grand palais vide, un général qui devient fou. 


Le colonel ne dort pas. Ses heures nocturnes s’étirent, rythmées par des ombres, pesant de tout leurs poids sur son âme. 

Les ombres, ses victimes, devenues ses bourreaux. Car le colonel est un spécialiste. 

Un spécialiste de la guerre mais surtout de la torture, des moyens de maintenir un corps en vie, de le briser pour en connaître tous les secrets.

Mais voilà, même si c’est son devoir (quoiqu’il n’ait pas rechigné à un changement de camp), le colonel se trouble, grisonne, se dématérialise. 

Comme la Ville où il opère, noyée sous la pluie, comme le général qui réalise la précarité de son statut, comme le subalterne qui ment sur les réussites militaires, comme l’ordonnance qui pense à tout sauf au spectacle morbide auquel il doit assister. 

Ce récit d’Emilienne Malfatto est encore une très belle réussite. J’ai lu qu’elle avait écrit ce court roman avant « Que sur toi se lamente le Tigre » et cela se ressent un peu. J’ai trouvé ce récit peut-être un peu moins abouti, un peu moins percutant mais tout aussi émouvant. 

Il interroge sur la guerre et sur la vacuité de celle-ci, où les atrocités sont, au final, commises par tous les protagonistes. Une situation où tous subissent cette déshumanisation, cette désespérance et ce, peu importe les raisons du combat. 

Un roman qui interroge, interpelle, déstabilise le lecteur et qui ne s’oublie pas après la dernière page tournée.


«  L’ordonnance, lui, se tient toujours en dehors du cercle de lumière (qui n’est accessible qu’à partir d’un certain nombre de galons) et il reste donc très concentré sur son étude des couleurs pour ne rien voir d’autre. Surtout pour ne pas voir la chose, l’ordonnance n’imagine pas quel autre mot utiliser, bien sûr il sait qu’il s’agit (qu’il s’agissait) d’un homme, mais vraiment il faudrait un effort pour se rappeler que ce fut un homme alors l’ordonnance, dans ses réflexions à lui-même, parle toujours de chose. »

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :