La part des flammes

Un roman de Gaëlle Nohant chez Le livre de poche

 

la part des flammes

 

note : 17/20

A lire si : vous aimez les femmes fortes et courageuses

A éviter si vous pensez que les femmes doivent faire ce qu’on leur dit, un point c’est tout !

 

Mai 1897. Le Tout-Paris se presse à la plus mondaine des ventes de charité. La charismatique duchesse d’Alençon, petite sœur de Sissi, a pris deux jeunes femmes sous sa protection en dépit du qu’en-dira-t-on. Scellant le destin de ces trois héroïnes, l’incendie du Bazar de la Charité bouscule ce monde cruel et raffiné et plonge Paris dans le deuil. Mais il permet aussi des amours et des rapprochements imprévus, des solidarités nouvelles, des libertés inespérées. Car naître à soi-même demande parfois d’en passer par le feu.

J’ai découvert ce roman en furetant sur une PAL sur le site de Livraddict (www.livraddict.com). Le résumé m’a interpellé car j’ignorais tout de cet incendie et du coup voilà un livre de plus dans ma bibliothèque et autant vous le dire tout de suite, j’ai très bien fait !

Pourtant le début m’a quelque peu déçu, je trouvais les personnages un peu caricaturaux (des riches jeunes femmes belles et rebelles), le style d’écriture un peu « lourd » à lire et puis… la page 100 arrive et avec elle l’incendie et de cette page jusqu’à la dernière je n’ai plus lâché le livre.

Les défauts du début ont disparu à mes yeux, happée que j’étais par l’histoire. Les âmes sensibles pourront avoir du mal avec la lecture des pages relatives à l’incendie et des jours qui ont suivis avec tout ce qu’ils impliquent en identification de corps et autres joyeusetés… J’ai dû à plusieurs reprises fermer le livre quelques instants, respirer un bon coup et me retenir pour ne pas me précipiter dans la chambre de mes enfants endormis pour vérifier qu’ils allaient bien et pour leur dire combien je les aime.

Pas de concessions de l’auteur, tout est décrit en termes crus et sans détours que ce soit les lâchetés et les actes de bravoures, les morts, les larmes et le deuil.

Mais la vraie force de ce roman c’est qu’au-delà de ce fait divers tragique et ses répercussions sur les personnages, plein d’autres thèmes sont abordés.

Tout d’abord de façon assez binaire la différence de vie entre les riches et les pauvres. Cela s’exprime notamment dans les soins apportés aux plus pauvres dans cette société de la toute fin du 19ème siècle. Pas de sécurité sociale donc si vous êtes pauvre et malade, vous devez travailler tant que vous pouvez tenir le coup ce qui fait que les soins proposés relèvent plus de soins palliatifs (avec le cas précis de la tuberculose). Si vous êtes soigné dans un hôpital et que vous étiez celui qui ramenait l’argent à la maison, se pose alors le problème de savoir qui fait vivre votre famille pendant que vous vous reposez.

Les soins aux pauvres étaient l’apanage des bonnes sœurs avec le patronage de riches dames de la « bonne société ». Cependant on pourrait dire que mise à part quelques exceptions, pour ces dames il s’agissait plus d’une occupation mondaine, un moyen de se faire voir qu’une véritable activité philanthropique.

Dans cette auto proclamée « bonne société », la réputation est tout et peut vous porter au firmament ou au ban de la vie mondaine. Dans un sens cet aspect-là me rappelle ce que j’avais pu analyser dans une précédente chronique sur « The House of Mirth » d’E. Wharton.

La société de cette époque est également très bien dépeinte lorsqu’il s’agit de traiter de la vie des femmes.

On les souhaite épouses bonnes et vertueuses mais cela n’empêche pas les maris de ces braves dames à entretenir des maîtresses (avec les maladies vénériennes en embuscade) ou à faire enfermer dans des asiles leurs épouses ou filles  pour briser toutes velléités d’indépendance chez elles.

Et ce qui m’a également vraiment intéressé c’est la façon dont sont décrits les soins « psychiatriques » apportés aux fous et notamment aux femmes hystériques de cette époque.

L’usage de l’internement d’office était sans recours pour les enfermés, vous pouviez être interné à vie sans espoir d’un droit de regard d’un juge ou d’un médecin impartial.

Les soins ne consistent pas en tant que tel à soigner les femmes hystériques mais plutôt à les briser, les mater comme on le ferait d’un étalon sauvage.

Ce roman développe ainsi un véritable aspect féministe en ce qu’il nous décrit des femmes qui malgré leurs contraintes et leurs chaînes tentent chacune de s’émanciper.

 «  On l’avait méthodiquement démolie, rompue, assujettie. Ce « on » était autant d’hommes qui voulaient son bien, aux intentions excellentes ».

 

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