La serpe

Un roman de Philippe Jaenada publié aux éditions Julliard

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Un matin d’octobre 1941, dans un château sinistre au fin fond du Périgord, Henri Girard appelle au secours : dans la nuit, son père, sa tante et la bonne ont été massacrés à coups de serpe. Il est le seul survivant. Toutes les portes étaient fermées, aucune effraction n’est constatée. Dépensier, arrogant, violent, le jeune homme est l’unique héritier des victimes. Deux jours plus tôt, il a emprunté l’arme du crime aux voisins. Pourtant, au terme d’un procès retentissant (et trouble par certains aspects), il est acquitté et l’enquête abandonnée. Alors que l’opinion publique reste convaincue de sa culpabilité, Henri s’exile au Venezuela. Il rentre en France en 1950 avec le manuscrit du Salaire de la peur, écrit sous le pseudonyme de Georges Arnaud.


Jamais le mystère du triple assassinat du château d’Escoire ne sera élucidé, laissant planer autour d’Henri Girard, jusqu’à la fin de sa vie (qui fut complexe, bouillonnante, exemplaire à bien des égards), un halo noir et sulfureux. Jamais, jusqu’à ce qu’un écrivain têtu et minutieux s’en mêle…
Un fait divers aussi diabolique, un personnage aussi ambigu qu’Henri Girard ne pouvaient laisser Philippe Jaenada indifférent. Enfilant le costume de l’inspecteur amateur (complètement loufoque, mais plus sagace qu’il n’y paraît), il s’est plongé dans les archives, a reconstitué l’enquête et déniché les indices les plus ténus pour nous livrer ce récit haletant dont l’issue pourrait bien résoudre une énigme vieille de soixante-quinze ans..


Voilà un roman qui a fait parler de lui lors de la précédente rentrée littéraire, tout auréolé du prix Femina et trônant fièrement sur les étals des libraires avec sa couverture rappelant vaguement un Cluedo sur lequel apparaît en premier plan, non pas le chandelier du Colonel Moutarde mais une serpe.

J’ai donc acheté ce roman et il a gentiment patienté jusqu’à ce que les chaleurs de l’été me donnent envie de me plonger dans ce roman plein de brumes et de mystères.

L’auteur nous envoie en 1941 au château d’Escoire dans lequel un drame va se jouer un soir d’octobre : Georges Girard, sa soeur Amélie Girard et une bonne Louise Soudeix sont assassinés à coups de serpe. Le suspect idéal ? Le fils de Georges…un certain Henri Girard, seul survivant du château.

Il convient de saluer le travail de fourmi de Philippe Jaenada qui s’est plongé dans les archives de l’époque pour tenter de démêler le vrai du faux. Il réussit ce qui est pour moi un tour de maître, en suivant un plan somme toute classique thèse-antithèse-synthèse, à nous faire détester ce Henri Girard puis à nous le rendre sympathique.

L’auteur se joue des ragots et des certitudes des témoins de l’époque, mais aussi des nôtres. Il fait un travail d’enquête minutieux où tel un Columbo il ne se contente pas de ce qui paraît être vrai mais au contraire pointe les incohérences de l’instruction.

En parlant de ça il s’agit d’un auteur que j’ai eu plaisir à rencontrer lors de la dernière édition du Quai des polars. Il avait de nombreuses personnes attendant de faire dédicacer ses livres et il a vraiment pris le temps de discuter un peu avec chacun et également de dédicacer de façon personnalisée ses ouvrages : pas de formules types mais bien au contraire un petit mot qui fait que chacun (enfin moi en tout cas) en partant du stand avait l’impression d’être un lecteur important.)

Vous vous dites peut-être mais pourquoi cette digression ? Et encore que ma digression a un rapport avec le sujet original de ce post, mais ceci pour vous illustrer quelque chose qui m’a un peu gêné dans cette lecture. Philippe Jaenada est un grand spécialiste des digressions, il nous parle allègrement de sa famille, de ses précédents ouvrages, de tout et de rien. C’est souvent plaisant à lire mais c’est parfois un peu trop…

Malgré ce petit bémol, voilà un roman qui mérite d’être découvert et qui m’a donné envie de lire les autres romans de cet auteur.

C’est dommage. Je ne veux pas rejoindre le camp de ceux qui passent leur temps à regretter un temps où leurs parents regrettaient un temps où les vieux regrettaient un temps où tout était mieux et où il restait de vrais hommes (au bout du compte : Cro-Magnon, quel bonhomme, et les soirées devant la grotte à mordre dans le mammouth : on savait vivre !), mais des fous furieux dans le genre de Georges Arnaud, qui ne laissent rien passer et sautent à la gorge de toutes les injustices à leur portée, qui y consacrent leur vie, il me semble qu’il n’y en a plus de quoi monter une équipe de basket – ou bien, ce qui est tout à fait possible, on ne les entend plus, il n’y a plus la logistique nécessaire pour donner de l’écho à leurs voix ; qui est peut-être aussi parasitée par les millions de râleurs aigris qui grincent partout, je ne sais pas.

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