Nous autres

Un roman d’Eugène Zamiatine publié dans la collection L’imaginaire de Gallimard

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On nous attacha sur des tables pour nous faire subir la Grande Opération. Le lendemain, je me rendis chez le Bienfaiteur et lui racontai tout ce que je savais sur les ennemis du bonheur. Je ne comprends pas pourquoi cela m’avait paru si difficile auparavant. Ce ne peut être qu’à cause de ma maladie, à cause de mon âme.  » Ainsi parle D-503, un homme des siècles futurs. Il vit dans une société qui impose fermement l’Harmonie sous la direction du guide.


Or D-503 qui participe activement à l’expansion de cette organisation à l’échelle interplanétaire en arrive à l’autocritique, à la dénonciation, au rééquilibrage psychique.

C’est en 1920 qu le Soviétique Eugène Zamiatine a conçu cette politique-fiction. Il y aborde, pour la première fois, les mécanismes de l’Utopie au niveau existentiel. Jusque-là, tous les organisateurs de sociétés futurs, sous la bannière de Platon et de saint Thomas More, se contentaient d’une description monomaniaque de leurs structures.
Zamiatine introduit l’homme vivant dans ces souricières. La porte poussée, Aldous Huxley et George Orwell vont s’engouffrer dans le corridor. Quel extraordinaire prophète que ce Zamiatine, écrivain, mathématicien et ingénieur. Il y a soixante ans, la dissidence n’était pas encore une maladie mentale traitée à l’halopéridol. Le règne du père génial de tous les peuples, Staline, et de ses épigones n’avaient pas commencé.
Et les pieux des camps de rééducation n’étaient pas encore systématiquement plantés. Pourtant, le ver était dans le fruit, et même à cette époque pas encore totalement occultée, l’ouvrage ne fut pas publié. 


Imaginez un monde au bonheur parfait. Un monde où chacun effectue les mêmes gestes à la même heure, taylorisme de l’extrême. Un monde dans lequel l’imagination même peut-être abolie.

Bienvenue dans l’Etat unique, dirigée par le Bienfaiteur. Société futuriste née sur les cendres d’un cataclysme, précurseur du meilleur des mondes d’Aldous Huxley ou du Big Brother de George Orwell.

D-503 est constructeur de l’Intégral, un engin destiné à aller porter la bonne parole aux habitants d’autres planètes.

Mais le ver est dans la pomme car D-503 commence un journal intime, s’interrogeant sur ce monde qui l’entoure, devenant ainsi dangereux dans cette État unique où la pensée doit être normée.

Ce roman écrit en 1920 par Eugène Zamiatine dénonce la recherche du bonheur au détriment de la liberté.

Si à cette époque, le totalitarisme stalinien n’avait pas encore cours, l’on ne peut manquer de trouver des qualités de devin à l’auteur qui a su prévoir les travers du régime : rationalisation apparente de la société, délitement des liens sociaux, affirmation péremptoire du bonheur national.

Cependant malgré toutes ces qualités, j’ai été un peu rebutée par le style de l’auteur. J’ai trouvé l’ensemble un peu froid, et parfois un peu complexe à suivre.

Cela reste une lecture très intéressante mais pour laquelle il m’a clairement manqué quelque chose.

Pourquoi tout ce mystère ? nous n’en savons rien aujourd’hui. Il est probable que les élections étaient accompagnées de cérémonies mystiques et, peut-être, criminelles. Nous n’avons rien à cacher, nous n’avons honte de rien, c’est pourquoi nous fêtons les élections loyalement et en plein jour. Je vois les autres voter pour le Bienfaiteur et ceux-ci me voient également. Pourrait-il en être autrement puisque « tous » et « moi » formons un seul « Nous » ? Cette procédure est beaucoup plus ennoblissante et plus sincère que celle en honneur chez les anciens, « secrète » et d’une couardise de bandits. De plus, elle est beaucoup plus conforme à son but, car, en supposant l’impossible, si une dissonance se produisait dans l’homophonie habituelle, nous avons les Gardiens invisibles parmi nous, qui peuvent arrêter les numéros tombés dans l’erreur, les préserver de faux pas futurs et sauver ainsi l’Etat Unique.

4 réflexions sur « Nous autres »

  1. Je rejoins complètement ton avis. Ce titre est fascinant par la lucidité visionnaire de l’auteur, mais j’avais trouvé le style assez lourd, et le propos parfois obscur… j’avais lu par la suite L’inondation, très court texte complètement différent de celui-ci, et auquel je n’avais pas trouvé les mêmes défauts.

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