Pathologies

Un roman de Zakhar Prilepine publié aux éditions des Syrtes

Un détachement militaire russe est envoyé à Groznyï et prend ses quartiers dans une école abandonnée. Parmi eux, Egor Tachevski qui trompe la peur, l’ennui et la mort en se replongeant dans son enfance et l’amour de Dacha. Le soldat ne se fait pas d’illusions au milieu de ce carnage : c’est une injustice pour tout un peuple, une boucherie, et s’il ne tue pas le premier, il sera tué à son tour…


La Tchétchénie. Un nom sur une carte, un membre de l’U.R.S.S, aujourd’hui une république dirigée par le tristement célèbre Ramzan Kadyrov.

Entre ces deux dates : deux guerres. Cadre de l’histoire narrée par Zakhar Prilepine. Auteur tout à la fois reconnu et célébré pour son talent, mais aussi décrié pour ses prises de positions nationalistes russes.

Lui-même mobilisé puis volontaire durant les guerres de Tchétchénie il nous narre ici, l’histoire d’Egor Tachevski.

Récit d’un soldat et d’une garnison mais également, comme autant de flashbacks, histoire de l’amour d’Egor pour Dacha.

Cette opposition donne une véritable force au récit alternant les époques, les rythmes, les problématiques.

Egor aime Dacha. Mais d’un amour pathologique, malade. Il ne supporte pas que d’autres hommes aient pu la toucher, l’aimer avant lui l’orphelin, qui refuse de devoir partager encore quelque chose, qui se révèle être plutôt quelqu’un.

Egor est aussi un soldat. D’une drôle d’armée qui semble rechercher la vodka comme une bouffée d’oxygène, le lecteur se traîne à la suite de ces hommes, de leur désœuvrement, de leurs doutes.

Avec les pages qui défilent, on a l’impression que personne ne semble véritablement savoir pourquoi ils sont envoyés en Tchétchénie.

On ne retrouve pas d’altérité, de réflexion sur ce qui a pu conduire les tchétchènes au combat.

Au massacre d’hommes par d’autres hommes.

Parti pris de l’auteur, sûrement, mais qui, sur le fond, m’a un peu dérangé.

On s’englue avec les soldats russes dans cette atmosphère lourde et étouffante, servie par un style âpre. Le rythme,cependant, va crescendo pour un final que ne renieraient pas les amateurs de films de guerre.

Au final, j’ai beaucoup aimé cette lecture et notamment le style de l’auteur malgré quelques réserves sur le fond.


« Parfois, je doute de la virtuosité du chauffeur. Lorsque les deux beaux gars que nous sommes, mon petit et moi, voyagent à travers la ville, je doute de tout. Je ne suis pas sûr que les pots de fleurs ne tomberont pas des balcons, et que les chiens ne se jetteront pas sur les passants ; je ne suis pas certain que le fil du poteau télégraphique qui s’est cassé le mois dernier ne donnera pas une décharge électrique, et que les grilles d’égout ne vont s’effondrer pour laisser apparaître de sombres remous. Nous faisons attention à tout. L’enfant me fait confiance, ai-je le droit de le trahir ? »

2 réflexions sur « Pathologies »

  1. Je « fais mon marché » pour notre futur rendez-vous du Mois de l’Europe de l’Est en mars :-). Peut-être pas un titre que je placerais en haut de ma liste, mais il me faudrait découvrir cet auteur. Les Editions des Syrtes ont vraiment un catalogue riche ! Merci pour cette chronique !

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