Le soleil des morts

Un roman d’Ivan Chmeliov publié aux éditions des Syrtes

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« La vérité du Soleil des morts est telle qu’elle déborde le cadre de la littérature », dit Alexandre Soljénitsyne.

Écrit en 1923, ce texte relate le dernier séjour des Chméliov en Crimée, lieu de vacances qui fut jadis paradisiaque. Mais la terreur rouge, suivie d’une famine dévastatrice, en a fait le théâtre d’une tragédie apocalyptique.

La grâce avec laquelle est dépeint cet enfer rappelle Dante. Le romancier s’incline alors devant l’infinie souffrance de l’Homme. Bouleversant hommage à la Russie martyrisée, d’une authentique poésie, cet ouvrage est sans nul doute l’un des chefs-d’œuvre de la littérature russe.


Crimée – on ne saura pas l’année exacte mais les Rouges sont là, nouveaux maîtres du destin russe.

Et la famine aussi. Implacable, écrasant tout sur son passage : les corps comme la morale.

Un homme vit – peut-on encore appeler cela la vie ? Lorsque tout se résume à trouver de la nourriture et à couper du bois pour l’hiver.

Pas de rebondissements, ni d’actions tonitruantes. Non, pour cela il faut avoir encore le ventre plein. Lorsque la nourriture vient seulement en rêve, toutes les actions sont pesantes et insupportables.

Il faut discuter avec les voisins, tant qu’ils sont encore là. Parfois tendre un peu de cette nourriture si durement acquise à une enfant qui meurt de faim. Parfois accepter un cadeau inattendu.

Les jours se suivent longs, préludes à une nuit sans sommeil, hantée par la faim, à guetter les voleurs de bétail.

Une vache ou une chèvre sont plus précieuses que les bijoux en or. Tout s’échange contre une bouchée de pain, les corps des enfants également.

Famine des corps et famine des âmes.

Autour, les montagnes ne s’effondrent pas devant tant de malheur, les oiseaux continuent leurs courses dans le ciel.

Comment raconter l’horreur ? Avec un texte limpide, acéré comme la faim ?

Non, l’auteur se joue des atrocités dont il a été le témoin par une plume poétique, faisant ressentir au lecteur cette incommensurable détresse .

Récit bouleversant de la famine, du malheur de ceux dont l’histoire ne retiendra pas le nom. Récit servi par une poésie qui tout à la fois réussit à être pudique pour narrer les horreurs mais sans rien en occulter. Un roman qui se lit gorge nouée, cœur serré…Un véritable chef d’œuvre.

Assis au seuil de ma masure, je contemple la mer ; c’est calme, il fait chaud ; la toile d’araignée tendue entre le cèdre et le cyprès ne bouge pas. Je peux rester des heures assis sans penser ; il se fait dans ma tête des bruits de cloches, des hurlements – le bruit de la faim ?…Je vois de mes yeux intérieurs des lambeaux rouges…rappels des horreurs de la vie…

Mais voilà que prélude un son tendre et délicat…Attentivement saisi, il en entraîna un autre, puis un autre, et, dans la somnolence qui m’envahit, ces bruits couvriront tous les bourdonnements ; et j’entendrai tout un orchestre…Je sais maintenant la musique des songes qui n’en sont pas, et je comprends « les voix paradisiaques » des ermites, les instruments célestes dont jouent les anges…C’est le chant d’une harmonie inconnue…

4 réflexions sur « Le soleil des morts »

  1. Evidemment, c’est noté de mon côté :-). J’avais toujours tendance à penser que la famine avait surtout frappé ces territoires dans les années 30, ce qui est une erreur. J’ai hâte de le découvrir !

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