L’épopée sibérienne – La Russie à la conquête de la Sibérie et du Grand nord

Un livre d’Eric Hoesli publié en coédition chez les Editions des Syrtes et Paulsen

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C’est une aventure grandiose, qu’aucun récit n’a encore retracé de cette manière : l’épopée sibérienne, la conquête des immenses espaces du nord de l’Asie par la Russie reste curieusement méconnue. Entamée alors que les Européens sont déjà en Amérique, elle conduit l’Empire des tsars jusqu’au Pacifique puis à l’Alaska.

Qui en sont les acteurs ? Des dynasties de marchands provinciaux comme les Stroganov ou des Cosaques partis chercher fortune vers l’eldorado qu’ils imaginent. Mais très vite d’autres figures historiques vont leur succéder poursuivant l’élan de la conquête, à la rencontre du soleil levant, à la rencontre des peuples autochtones des steppes, de la taïga et de la toundra arctique. Ce sont des scientifiques de génie que le tsar Pierre le Grand envoie résoudre l’énigme de la séparation entre l’Asie et l’Amérique, ce sont des commerçants qui dominent les échanges avec la Chine et colonisent les côtes d’Amérique du Nord, ce sont des idéalistes qui rêvent d’autonomie ou de construire, loin de la capitale impériale, une autre Russie débarrassée des archaïsmes.

La « conquête de l’Est » par la Russie réveille bien vite d’autres appétits et rivalités. La géopolitique est au rendez-vous. Les Russes font face aux Mandchous, aux Chinois puis aux Japonais qui ont leurs propres visées sur ces espaces peu peuplés. Dès le XIXe siècle, les puissances européennes viennent aussi mener bataille dans cette lointaine partie du monde où la Russie défend âprement ses nouvelles possessions.

Le chantier fou du Transsibérien, les bagnes tsaristes, le Goulag stalinien, la conquête de l’Arctique : autant d’épisodes de cette Épopée sibérienne que l’on croirait sortis d’un roman mais qui reposent sur des sources souvent inédites et de nombreuses recherches sur le terrain. Ils sont relatés dans cet ouvrage avec autant de rigueur historique que de souffle narratif.


Voilà un long résumé (qui n’est pas de mon fait mais de la quatrième de couverture) pour un ouvrage qui se mérite.

Avant la lecture de cet ouvrage, je n’avais que de vagues connaissances sur cette conquête de l’Est et pourtant tout en elle réunit les éléments d’un grand roman d’aventures (comme le souligne bien Erick Orsenna dans son avant-propos), en effet évoquer la Sibérie amène immédiatement à penser aux goulags et à l’exil des opposants politiques, au Transsibérien ou aux conditions climatiques délétères pour ma part et pourtant ce schéma est réducteur comme me l’a démontré Eric Hoesli.

L’auteur nous présente la conquête de la Sibérie du 16ème siècle jusqu’à la chute de l’U.R.S.S. Je tiens d’abord à préciser que l’auteur a travaillé une dizaine d’années à rédiger cet essai. Ceci donne un livre d’une grande érudition, les propos sont étayés par de nombreuses sources pour ceux qui souhaiteraient creuser davantage les sujets évoqués.

J’avais un peu peur justement que cette érudition se fasse au détriment de l’âme du livre, que l’on se retrouve avec des faits et pas d’humains derrière et j’avoue que les premiers chapitres m’ont un peu conforté dans mes craintes (sentiment renforcé par le fait que j’avais besoin de me référer constamment à la carte de la Russie pour suivre la progression des protagonistes). Mais ne vous laissez pas berner car très vite les hommes et les femmes qui ont été au cœur de cette conquête se retrouvent au cœur de ce livre, qu’ils soient marchands, industriels, opposants politiques, scientifiques.

La conquête d’un tel espace ne se fait pas sans heurts, que ce soit au niveau humain pour les populations autochtones notamment, ou au niveau écologique quand on constate que la Sibérie a été en quelque sorte victime de ses atouts que sont les fourrures ou le pétrole. L’auteur nous évoque le tout sans fard, parfois crûment et il réussit à être didactique sans être pédant, ce qui fait que malgré le côté dense de l’ouvrage (je ne me vois pas le prendre comme roman au bord de la piscine), le tout est agréable et l’on réussit à parfaire ses connaissances tout en passant un bon moment de lecture.

Je pense que la question qui se pose avant de se laisser tenter par ce genre de pavé est celle de savoir s’il y a une sorte de prérequis pour apprécier le propos de l’auteur…et bien non, Eric Hoesli précise l’arrière plan politique quand cela est nécessaire pour comprendre la conquête de la Sibérie mais il ne s’étend pas dessus, préférant mettre l’accent sur les « héros » de cette conquête.

Je pense que vous l’aurez compris mais histoire d’enfoncer le clou encore un peu plus, si vous aimez l’histoire, les romans d’aventure, la Russie ou un peu des trois à la fois, voilà un livre qui vous conviendra.

Le Cosaque Semion Dejnev va rester un inconnu pendant des décennies encore. Cet homme venu d’un village de Pomorie a prouvé l’existence d’un passage entre l’Asie et l’Amérique. Il a ouvert le tronçon le plus difficile de la route arctique du nord. Lui-même semble n’en avoir cure : le rapport final qu’il dresse, en « humble esclave de son souverain », insiste surtout sur ce qu’il considère comme son principal mérite : il y a, très loin de la cour, des rives où l’ivoire abonde. Il les a découverts, et recommande à l’empire de poursuivre son œuvre. Le reste, l’expédition, ses périls et ses succès, ne sont que des moyens.

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