La supplication – Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse

Un livre de Svetlana Alexievitch publié chez J’ai Lu

la supplique couv

« Des bribes de conversations me reviennent en mémoire… Quelqu’un m’exhorte : – Vous ne devez pas oublier que ce n’est plus votre mari, l’homme aimé qui se trouve devant vous, mais un objet radioactif avec un fort coefficient de contamination. Vous n’êtes pas suicidaire. Prenez-vous en main ! « 

Tchernobyl. Ce mot évoque dorénavant une catastrophe écologique majeure. Mais que savons-nous du drame humain, quotidien, qui a suivi l’explosion de la centrale ? Svetlana Alexievitch nous fait entrevoir un monde bouleversant celui des survivants, à qui elle cède la parole.
Des témoignages qui nous font découvrir un univers terrifiant. L’événement prend alors une tout autre dimension. Pour la première fois, écoutons les voix suppliciées de Tchernobyl.


Tchernobyl est « à la mode ». Une série, excellente au demeurant, des visites guidées. Des selfies sur des lieux hantés pour l’éternité par la radiation.

Une sorte de soif de la catastrophe, un frisson, peut-être également, une envie de comprendre l’indescriptible au plus près.

Svetlana Alexievitch a décidé de relater l’événement de façon plus humaine. En donnant la parole aux habitants de Tchernobyl, ceux qui ont été évacués, ceux qui sont restés, ceux qui sont arrivés. Aux liquidateurs, aux soldats et autres scientifiques.

Ce n’est donc pas un roman mais une compilation de brefs témoignages.

On pénètre cette catastrophe au retentissement international (non un nuage radioactif ne s’arrête pas aux frontières), par la fenêtre de l’intime, des deuils et du ressenti individuel.

Pourtant, une cohérence se dégage de cet ensemble.

La peur de ceux qui savent, qui connaissent les conséquences d’une telle exposition. L’ignorance de ceux qui ne peuvent croire à une radiation invisible qui s’insinuerait partout.

La résignation de ceux qui se sont exposés au plus près du réacteur. La colère contre l’absence d’évacuation immédiate ou la distribution massive d’iode.

L’amour d’un foyer, d’une terre qu’il faut quitter. La peur, la stigmatisation des évacués.

Les leucémies, les malformations, la mort.

Tchernobyl est tout cela à la fois. Événement venant ébranler le colosse soviétique, mutilant des régions entières.

Svetlana Alexievitch donne la parole aux victimes. Pour ne pas oublier que Tchernobyl n’est pas juste une date dans l’histoire mais un processus touchant la Terre et les hommes

Un événement raconté par une seule personne est son destin. Raconté par plusieurs, il devient l’Histoire. Voilà le plus difficile : concilier les deux vérités, la personnelle et la générale. Et l’homme d’aujourd’hui se trouve à la fracture de deux époques…

Deux catastrophes ont coïncidé : l’une sociale – sous nos yeux, un immense continent socialiste a fait naufrage ; l’autre cosmique – Tchernobyl. Deux explosions totales. Mais la première est plus proche, plus compréhensible. les gens sont préoccupés par le quotidien : où trouver l’argent pour vivre ? Où aller ? Que croire ? Sous quelle bannière se ranger ? Chacun vit cela. Mais tous voudraient oublier Tchernobyl. Au début, on espérait le vaincre, mais, comprenant la vanité de ces tentatives, on se tut.

Laisser un commentaire