La chambre de l’araignée

Un roman de Mohammed Abdelnabi publié chez Actes Sud

En mai 2001, dans un flottant sur le Nil, le Queen Boat, la police égyptienne arrêta cinquante-deux homosexuels qui seront inculpés d’outrage aux bonnes mœurs et d’hérésie. Hani Mahfouz fut incarcéré le jour même de la rafle alors qu’il se promenait en compagnie de son ami Abdelaziz. Il passa en prison plusieurs mois d’incessantes humiliations et en sortit brisé, physiquement et moralement, et ayant perdu la parole. Reclus dans une petite chambre d’hôtel, où seule une araignée comblait sa solitude, il entreprit de consigner son histoire depuis son enfance, la croisant avec celles de ces compagnons d’infortune durant son arrestation, tous victimes de l’incompréhension de leurs proches et d’un rejet social quasi unanime…

Le grand mérite de la Chambre de l’araignée n’est pas seulement d’explorer en profondeur, et pour la première fois, la condition homosexuelle en Egypte, mais aussi de le faire dans une langue toute en retenue, en évitant les clichés et les anachronismes.


C’est l’histoire d’une solitude. Celle d’un petit garçon orphelin de père. D’un garçon dont la mère travaille beaucoup, et qui se retrouve seul dans le grand appartement familial.

D’un homme qui aime les hommes dans un pays où cela n’est pas accepté.

Hani Mahfouz sera arrêté le jour de la raffle menée par la police égyptienne, en mai 2001, sur le Queen Boat.

Après un séjour en prison et un procès éprouvant, marqué par les coups, les brimades, Hani ressort libre, mais traumatisé, incapable de parler.

Il écrira, reclus dans une chambre, son histoire pour tenter de guérir, une parole écrite pour libérer la parole qui lui manque.

Hani Mahfouz est un homme lucide sur son passé. Il a été un enfant hésitant entre adoration et détestation pour sa mère. Il a été longtemps un dilettant, ne sachant trop quoi faire de sa vie, multipliant les partenaires sexuels d’un soir.

Mais comment faire autrement ? Lorsque votre sexualité vous condamne à être un objet de mépris, lorsque vous êtes déconsidéré en raison de votre seule orientation sexuelle?

Quand il faut bien se marier pour éviter la rumeur et l’opprobre. Quand tout cela ne suffit pas et ne suffira jamais à faire taire des sentiments pour une autre personne qu’il est interdit d’aimer.

Quand toute rencontre amoureuse peut devenir un guet-apens. Coup, vol et viol restent impunis car comment révéler aux forces de l’ordre son homosexualité ?

Que dire aussi de l’hypocrisie qui permet aux hommes puissants de se sortir de situations inextricables pour les autres grâce à quelques bakchichs.

Peinture sans concession de l’homophobie et de ses conséquences, dans une plume sombre et pudique, ce roman est absolument magistral, à lire absolument.

Nous fûmes tous battus au commissariat d’Ezbekieh, ceux qui avouèrent et ceux qui tinrent tête, ceux qui dirent qu’ils étaient actifs et ceux qui dirent qu’ils étaient passifs. Je n’ai pas été dur à cuisiner, comme on dit. Deux ou trois coups et j’étais disposé à reconnaître tout ce qu’ils me dicteraient. Ils me demandèrent d’enlever mon pantalon. Grâce à Dieu, j’avais des sous-vêtements blancs. J’ai appris que ceux qu’ils trouvaient avec des slips de couleur étaient encore plus frappés et humiliés, car cela était considéré comme une preuve accablante de leurs effémination. Ils riaient en permanence et il y avait alors dans leurs voix une étrange intonation de victoire, comme si c’étaient leur propre masculinité et leur virilité qui gonflaient, qui s’élevaient et montaient jusqu’au ciel à chaque nouvel inverti qu’ils avaient entre leurs mains et avec qui ils s’en donnaient à cœur joie.

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