Aline et les hommes de guerre

Un roman de Karine Silla publié aux éditions de l’Observatoire

Aline Sitoé Diatta naît en 1920, au beau milieu des forêts luxuriantes de la Casamance, dans le sud du Sénégal. Enfant déterminée, puis adolescente indépendante, solitaire et douce, elle quitte la brousse pour se rendre à Dakar afin d’y travailler comme gouvernante dans une famille de colons. C’est là qu’elle entend, pour la première fois, des voix qui lui ordonnent de rentrer chez elle pour libérer son peuple.

Prônant la désobéissance civile et la non-violence, Aline appelle les Sénégalais à lutter pour leurs terres et le respect qui leur reviennent de droit. S’entourant des anciens, comme le veut la tradition diola, écoutant les conseils de son sage ami Diacamoune, la jeune femme est vite érigée en icône de la résistance, magnétique et insoumise, et est sacrée reine. Menaçant l’ordre établi et mettant à mal l’administration française, Aline, la « Jeanne d’Arc du Sénégal », devient l’ennemie à abattre, mettant, dès lors, sa jeune vie en danger.
À travers Aline, Karine Silla renoue avec l’histoire de ses origines et fait entendre la musique de tout un pays grâce à son écriture aussi envoûtante et inspirante que la voix de cette femme de lutte et de coeur qui, plus jamais, ne nous quittera.


Un portrait couleur sépia. Une femme de profil, seins nus, pipe à la bouche. Sans la connaître, on devine une femme décidée, jeune encore, une douceur et même la trace d’une léger sourire sur la photo.

Aline Sitoé Diatta. Née en 1920 et morte de tortures et de mauvais traitements dans une prison en 1944.

24 années, c’est à la fois si peu et tant. Car Aline Sitoé Diatta n’est pas qu’une photo, c’était une jeune femme forte, indépendante qui fut reine. Une reine qui appela les sénégalais à se soulever contre la colonisation.

À se réapproprier leur histoire, leur culture et leurs traditions ancestrales. Par le chemin de la non-violence, à reconquérir une liberté et une fierté bafouée. En renonçant à payer l’impôt, en refusant la conscription.

1920-1944 : deux dates qui montrent que les grands destins sont souvent brefs et marqués par la tragédie. Aline Sitoé Diatta ne fera pas exception.

Mais elle reste célébrée pour son engagement et, grâce à Karine Silla, son histoire parvient jusqu’à nous.

Son histoire mais pas seulement, l’histoire de notre pays et de la colonisation également. De cette incroyable morgue qui piétina des civilisations au nom d’un soit-disant progrès. Ce refus d’accepter la différence. Ce pillage des ressources et des hommes pour sauver la mère Patrie. Ce démembrement des sociétés tribales dont les conséquences résonnent encore aujourd’hui.

Récit à la beauté abrupte, à l’oralité chantante des grands contes, ce roman est un bel hommage et une belle réflexion.

« Ce qui l’intéressait, ne l’oublie pas le jour où tu raconteras cette histoire à tes enfants, c’était la paix ; pas le pouvoir, la paix. Le malheur des hommes c’est que tous ne la veulent pas, et pour ceux qui le souhaitent, ils n’ont pas d’autre choix que le recours à la violence. Nehanda a regretté chacun de ses morts. Tous les guerriers disparus à ses côtés ont eu droit à des cérémonies funéraires digne des plus grands rois. On sacrifiait des bêtes par milliers pour rendre hommage à ces serviteurs de la paix. L’autorité qu’elle exerçait sur son peuple n’avait rien d’une domination, c’était tout simplement un sens qu’elle espérait donner à la vie grâce à l’aide de Dieu. Et les colons ont certes remporté la bataille mais ils ont perdu sur le long terme. L’esprit de Nehanda est là, éternel. Son peuple est fort, il a vu la peur briller dans l’œil de l’ennemi et sait que nul n’est invincible. »

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