Une nihiliste

Un roman de Sophie Kovalevskaïa publié aux éditions Libretto

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Vera (double évident de l’auteur), élevée dans le meilleur monde, « monte » à Saint-Pétersbourg non point pour faire un beau mariage mais pour s’engager comme tant d’autres jeunes filles nobles de sa génération (nous sommes dans les années 1860) auprès des révolutionnaires d’alors, qui ne rêvent que d’ « aller au peuple ».

Déçue par la médiocrité de leur contestation, elle se destine en songe à une mission plus haute, mystique presque… que la réalité finit par lui offrir. Assistant au procès d’une poignée d’agitateurs promis à de lourdes condamnations, elle s’entiche de l’un d’eux et décide de le suivre jusqu’au fin fond de la Sibérie pour adoucir sa peine lorsqu’il se voit expédié au bagne… Serions-nous capables d’en faire autant ? Sans doute pas, mais une chose est sûre : sitôt le livre ouvert, nous ne demandons qu’à suivre l’intraitable, l’émouvante Vera où qu’elle aille.


Une nihiliste dépeint le destin de Vera, jeune femme, qui souhaite trouver un but à sa vie, une cause à servir. C’est ainsi qu’elle se présente, tout du moins, à la narratrice.

Une présentation qui rend nécessaire un retour en arrière, à l’enfance de Vera, son adolescence pour comprendre son besoin d’absolu si contraire à ce qui était attendu d’une jeune femme noble russe au 19ème siècle.

D’ailleurs, ce roman, inspirée de l’expérience de l’autrice aurait pu aussi s’intituler « une vie ».

Celle d’une jeune fille dont le destin semblait toute tracé mais qui, au hasard des circonstances, a pris une autre tournure.

Car l’affranchissement des serfs, va changer ses conditions matérielles. Sa rencontre avec un homme soucieux et conscient de la tyrannie exercée sur les pauvres sera une révélation pour celle qui rêve de martyre.

Il y a chez elle une volonté de trouver un sens à sa vie, une utilité pratique sans qu’elle ne parvienne à savoir que faire jusqu’à des procès politiques qui seront une révélation.

Ce court roman se dévore d’une traite. Cette plume simple et efficace retranscrit les émotions de la jeune Vera mais également la société de son époque.

Un très bon récit de Sophie Kovalevskaïa que je vous conseille.

L’émancipation des paysans entraîna des bouleversements immédiats dans la maison des Barantsov. Les revenus du domaine diminuèrent tellement qu’il ne fut plus possible de continuer à vivre sur le même pied. De bon gars, l’intendant se métamorphosa en chenapan : il se montrait grossier à tout bout de champ avec le maître, trouvait partout des difficultés et n’apportait jamais l’argent à terme. Il fallut s’en séparer et en choisir un nouveau, mais ce fut de mal en pis? Chaque jour ou presque tombaient du ciel de vieilles lettres de change et des traites signées du comte il y avait si longtemps qu’il en avait perdu jusqu’au souvenir. À la vue de chaque nouvelle lettre de change, le comte blêmissait, criait à la fraude, mais finissait par devoir payer. Il devint nécessaire de vendre les domaines de Mitino et de Stepino, ainsi que les champs inondables et la forêt ; il ne restait plus que Borki, avec une parcelle insignifiante. Le malheur était que les propriétés trouvaient maintenant difficilement acheteur et qu’elles partaient à moitié prix.

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