La route de la Kolyma

Un livre de Nicolas Werth publié dans la collection Alpha aux éditions Belin

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Historien de l’U.R.S.S stalinienne, Nicolas Werth a éprouvé le besoin d’aller sur place, à la recherche des traces du plus grand système concentrationnaire du vingtième siècle. La route de la Kolyma est le récit de cette expédition insolite et fascinante dans l’immense contrée isolée de la Sibérie orientale, à neuf heures de vol de Moscou.

Région emblématique du Goulag, la Kolyma, grande comme deux fois la France, est aujourd’hui une région sinistrée, aux villes dépeuplées. Nicolas Werth a rencontré les derniers survivants des camps, mais aussi les membres de l’association Memorial qui luttent pour que cette page sombre de l’Histoire ne soit pas oubliée. Il a sillonné les pistes de la Kolyma, pour tenter de retrouver les vestiges des camps de travail forcé, où les détenus extrayaient, dans des conditions extrêmes, l’or, la grande richesse de la Kolyma. Une quête souvent vaine, tant les traces se sont effacées dans ces terres que l’homme n’a jamais véritablement conquises. 


Nicolas Werth est spécialiste de l’histoire du stalinisme. Des années passées à se pencher sur les archives, les livres pour, notamment, reconstituer l’histoire du Goulag. Mais aussi le souhait de voir ce qu’il reste de cet univers concentrationnaire, là-bas à la Kolyma.

Ce périple qu’il accomplira est l’objet de ce passionnant essai couronné du prix essai France télévision en 2013.

Ce récit, très accessible, montre la difficulté du travail de mémoire sur ce pan de l’histoire russe si significatif, un adulte sur 6 entre les années 1930-1950 ayant été détenu dans un camp.

Pourtant l’oubli est là. Les lieux abandonnés sont retournés à l’état sauvage, les constructions en bois détruites. Ce qui pouvait être utilisé pour des constructions, volé. Les fosses communes oubliées. La nature d’une beauté presque cruelle face aux malheurs qui s’y sont déroulés.

La région de la Kolyma sans aide économique de l’Etat russe s’est paupérisée et vidée de sa population. Autant dire que le travail de mémoire apparaît comme inutile pour beaucoup alors que le quotidien est si difficile.

Pourtant cet essai rend hommage à ces bonnes volontés qui continuent, vaille que vaille, à répertorier et à numériser ce qui concerne le Goulag, comme le fait l’ONG Memorial, ou des responsables de musées qui doivent composer avec vétusté du matériel, budget inexistant et salaire de misère.

Ou encore ces individus qui collectionnent et sauvent les souvenirs du Goulag ou érigent des croix sur les tombes des zeks…

Un bel hommage leur est rendu ici. Une façon de ne pas oublier le passé et peut-être éviter qu’il ne se reproduise.

Face à ce paysage qui offre sa splendeur et dissimule son passé, je ressens un profond malaise : comment peut-on admirer le cadre d’un tel malheur, d’un tel anéantissement, d’une telle souffrance collective ? Des innombrables camps qui s’étiraient le long de cette route, il ne reste rien ou presque – de rares baraquements et fabriques en ruine, des toponymes connus des seuls spécialistes du Goulag, indiqués par des panneaux rouillés le long de la route – Radoujnyi, Srednikan, Annouchka, Stanovaia, Gueologitcheskii, Oust-Srednikan, Verkhnii Seimtchan. Pas âme qui vive le long des deux cents kilomètres qui séparent le relais du 386ème kilomètre de Seimtchan.

2 réflexions sur « La route de la Kolyma »

    1. Oui, c’est un chiffre qui donne le tournis…mais en lisant ce livre, on a vraiment l’impression que pour beaucoup de russes, c’est une période à laquelle ils ne souhaitent plus penser. Je trouve ça dommage de ne pas s’interroger sur son passé.

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