Une république lumineuse

Un roman d’Andrés Barba publié aux éditions Christian Bourgois

Jungle au vert intense, fleuve boueux et langueur tropicale : nous sommes dans la ville de San Cristobál en 1993. Là, le pittoresque côtoie la noirceur, comme le découvre notre narrateur : jeune fonctionnaire aux affaires sociales, il doit y mettre en place un programme d’intégration des communautés indigènes de la région. Très vite, la torpeur locale est perturbée par l’arrivée d’enfants, inconnus et presque sauvages, qui pillent les rues. Mais d’où sortent tous ces enfants ? Quelle est cette langue qu’ils parlent et qui n’appartient qu’à eux ?

D’abord étonnante et vaguement inquiétante, leur présence aura des conséquences tragiques. Vingt ans plus tard, l’ancien fonctionnaire se souvient et revient sur la succession d’événements ayant conduit au drame.
Dans une échappée à l’ordre établi par les adultes, Andrés Barba nous invite à redéfinir notre idée même de l’enfance avec cette grande fable qui nous hantera longtemps.


1993 : une époque pas si lointaine et pourtant révolue : pas de smartphones, d’information en continue, de connexion permanente.

C’est à cette époque que le narrateur arrive dans la ville de San Cristobàl, probablement en Amérique du Sud, en tant que fonctionnaire aux affaires sociales.

Il pensait lutter contre les inégalités frappant les communautés indigènes, pourtant une autre urgence se dessine.

Car des enfants arrivent en ville, comme recrachés par la forêt, avec leur langage incompréhensible et leur violence…

Pour évoquer l’atmosphère de ce roman, nul besoin d’évoquer la moiteur du climat, les eaux boueuses du fleuve Eré ou l’étouffante forêt.

Il suffit de regarder cette magnifique couverture, sombre représentation de la forêt, comme un pied de nez au titre du livre, percée de points lumineux.

Des yeux d’enfants mais inquiétants car différents. Ces enfants qui affluent à San Cristobál ne sont pas soumis et humbles comme les plus pauvres mais ils mendient avec la morgue des souverains. Ils ne supplient pas, ils revendiquent par la violence ce dont ils ont besoin.

Le livre oscille tout au long entre réel et fantastique, chaque lecteur pouvant choisir à son gré l’une ou l’autre explication.

Andrés Barba offre un roman aux multiples questions auxquelles bien peu trouveront une réponse certaine.

Au final, ce récit est, avant tout, une plongée dans l’enfance. Nos chères têtes blondes sont-elles aussi innocentes que nous aimerions le penser ? Et nous, adultes, comment réagissons-nous face à une violence qui nous paraît si inconcevable chez de jeunes enfants ? À vous de le découvrir…

Ce roman, loin de mes lectures habituelles, a été une belle découverte. Sans être un coup de cœur, j’ai été entraînée par son atmosphère si sombre et entêtante.


« Nous savons aujourd’hui par le cadavre d’une fille de treize ans qu’elle était enceinte. Ils avaient donc eu des relations sexuelles, y compris les plus petits. Ces mois dans la forêt avaient dû être déterminants dans ce sens. Mais comment naît l’amour à partir de rien ? Comment aime-t-on dans un monde sans références ? La célèbre maxime de La Rochefoucauld selon laquelle il y a des gens qui ne seraient jamais tombés amoureux s’ils n’avaient pas entendu parler de l’amour prend, dans le cas des Trente-deux, un poids spécifique. »

2 réflexions sur « Une république lumineuse »

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