Ermites dans la taïga

Un récit de Vassili Peskov publié chez Babel

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Une famille de vieux-croyants démunis à l’extrême, subsistant dans une cabane misérable, en pleine taïga, coupés de la civilisation depuis… 1938 : telle est l’incroyable réalité décrite par Vassili Peskov, qui raconte ici avec passion et minutie l’aventure des ermites de notre temps, puis les vains efforts de la plus jeune d’entre eux, Agafia, pour se réadapter au monde.


Nouvelle version du mythe de Robinson, manuel de survie dans la taïga, histoire de femme aussi, ce livre riche et multiple a rencontré lors de sa parution chez Actes Sud en 1992 un succès qui ne s’est jamais démenti.
Et Agafia, sa magnifique héroïne, vit toujours, loin du  » siècle « , dans la sauvage solitude de la taïga.


Été 1978. Une équipe de géologues est envoyée en Sibérie pour trouver des gisements ferrugineux.

Ils vont faire une autre découverte, plus inattendue : une famille, les Lykov, les parents et leurs trois enfants.

Cette famille vivait coupée du monde depuis 1945.

Pourquoi cela ?

Ils sont ce que l’on nomme en Russie des vieux-croyants, mouvement issu du schisme résultant notamment de la décision de Pierre le Grand d’assurer une nouvelle traduction des textes sacrés.

Les vieux-croyants ont décidé de se constituer en ermitage et de refuser la vie en société auprès des impies. Pas de papiers, ni d’impôts, ni de contacts.

C’est ainsi que les Lykov ont vécu en autarcie durant près de 30 ans.

Ce récit relate non pas tant leur vie durant toutes ces années que les années suivant leur découverte.

L’auteur, journaliste, est allé régulièrement à leur rencontre et nous livre le journal de ses souvenirs.

Cela sera d’ailleurs mon principal bémol sur ce récit. J’aurais aimé en savoir plus sur l’organisation de la vie quotidienne de cette famille réduite à deux parents et leurs trois enfants.

Comment se sont-ils organisés, comment les enfants ont-ils grandis, comment se sont-ils accommodés de cette vie ? Autant de question qui n’auront pas vraiment de réponses.

Ce livre est néanmoins très intéressant et présente les liens créés entre une famille isolée, qui suite au décès des autres membres sera réduite au père et à sa fille cadette, Agafia avec des individus vivant à « l’extérieur » de leur ermitage.

Il est intéressant de noter comment ils se sont adaptés aux visites des géologues notamment qui s’installèrent près de chez eux, à leurs présents, aux progrès amenés petit à petit par leurs nouveaux amis.

Car c’est en effet un cercle bienveillant qui va les entourer, leur fournir compagnie, nouvelles, biens.

Voilà une véritable étude sociologique que cette découverte du monde, des autres hommes aussi.

C’est aussi un récit qui nous plonge au cœur de la taïga et de cette vie rude dans une nature souvent indomptable.

En bref, une lecture intéressante pour ceux qui sont intéressés non pas tant par le mythe du Robinson Crusoé que par son retour parmi les hommes.

Parlons un peu de chacun des Lykov…

L’isolement, la lutte éreintante pour la survie, la monotonie du quotidien, de l’habillement et de la nourriture, la rigueur des tabous religieux, l’enchaînement sans fin des prières, le confinement extrême du cadre de vie et, enfin les gènes familiaux, voilà qui aurait dû rendre ces gens aussi ressemblants que poussins en couveuse. Les affinités sont grandes, en effet. Et pourtant, chacun avait son caractère, ses habitudes, sa position sur la petite échelle – à six degrés seulement – de la hiérarchie. Chacun avait son travail préféré et honni, diverses étaient les interprétations d’un seul et même phénomène. Il y avait bien d’autres différences encore, de nature à intéresser psychologues et sociologues.

Il n’est pas simple d’avoir un mot pour chacun des Lykov, quatre d’entre eux n’étant plus de ce monde. Restent les souvenirs…

4 réflexions sur « Ermites dans la taïga »

  1. Un de mes coups de coeur de l’année ! Je comprends ta remarque sur le manque d’informations sur leur vie en tant que telle, mais en retour, on a un portrait très attachant d’Agafia.

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