Un roman de Judith Housez publié aux éditions Equateurs.
Voilà un roman qui cumule les étiquettes : roman de la rentrée littéraire 2018, premier roman de Judith Housez et je rajoute roman gagné dans le cadre de la masse critique de Babelio de septembre donc avant toute chose, un grand merci aux éditions équateurs et à Babelio.
Honoria vient d’un siècle crépusculaire, qui est aussi l’avènement d’un nouveau monde : les invasions barbares et la diffusion du christianisme. Cette période de basculement demeure un mystère peu exploré, donc intrigant. Avec un humour vif et acidulé, la narratrice nous raconte les avancées de son enquête et soulève peu à peu les pans de cette face noire et dérobée de l’Histoire. Elle accède aux bribes du destin d’Honoria déposés par le temps. Cette princesse, sœur d’empereur, a été maltraitée par les chroniqueurs antiques qui la dépeignent comme une » créature diabolique, nymphomane, Messaline, fossoyeuse de l’Empire « . Il s’agit aujourd’hui d’arracher sa vie à l’oubli et de mener une contre-enquête.
Honoria, nous emmène dans une époque assez méconnue au final, celle de l’Antiquité tardive et de la chute de l’empire romain d’Occident.
Quand on parle de Rome, on évoque souvent la fondation de la ville, la conquête du pouvoir de Jules César et de ses successeurs, la chute de l’empire n’étant souvent racontée qu’au travers de ses causes et rarement à travers l’histoire de ceux qui l’ont vécue.
Quel dommage cependant car c’est une époque pleine de paradoxe, de combats, de transition : l’empire romain païen est devenu chrétien et doit composer avec les tribus barbares qui sont, tour à tour, alliées et ennemies.
C’est dans ce tumulte que nous emporte l’auteure en nous contant la vie d’Honoria, née en 416 (ou 417) et sœur de l’empereur Valentinien III.
L’histoire est avare de détails concernant ce personnage ce qui laisse à l’auteure un nombre de blancs assez importants à combler.
Pour autant, Judith Housez a réussi à me convaincre dans ses choix et je me suis prise d’empathie pour cette princesse, si moderne dans ses désirs, mais entravée par son statut et son époque.
Cependant Honoria est également le récit, réel ou pas, de la construction du roman, des hésitations et des certitudes de la narratrice.
Ces deux parcours croisés mettent en exergue la nécessité de création, celle qui impose un sujet de roman à un auteur et en devient, jusque dans sa vie quotidienne, le compagnon invisible.
Le bémol pour moi ce sont au final les incessants aller-retour du passé au présent.
Au moment où je commençais à me plonger dans l’époque romaine j’avais parfois la désagréable sensation que l’on me tirait par l’épaule pour me ramener de force au temps présent. Ce qui, au début, m’a gêné dans mon immersion romanesque.
Alors que lorsque, dans la quatrième partie, la narratrice laisse la lumière uniquement sur Honoria, la magie opère formidablement. L’émotion mais aussi la détermination de la princesse romaine sont très bien décrites et amènent à ressentir encore plus d’empathie pour cette jeune femme.
En bref, voilà un premier roman intéressant, malgré quelques bémols, qui m’a entraîné dans une époque révolue avec une princesse, Honoria, si lointaine et si moderne à la fois.
Alors que je cherche le corps d’Honoria , j’écoute Sister Morphine de Marianne Faithfull des heures entières, je ne saurais dire comment s’est venu. Une curiosité pour Chelsea dans les sixties ; les sentiments mêlés de l’enfermement et de la solitude. Honoria et la voix sublime de la chanson ont quitté le monde habituel des vivants, elles sont dans une autre urgence, victimes d’une distorsion. Je trouve le visage d’Honoria sur une mosaïque, impassible, coincé entre une mère régente et un petit frère empereur. Cette impassibilité, je n’y crois pas, je la réfute. C’est un truc d’homme, la fixité pour cacher ce qu’on pense.
Merci de cette intéressante lecture !!!
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