Minuit en mon silence

Un roman de Pierre Cendors publié aux éditions du Tripode

Lundi 28 septembre 1914 : un lieutenant allemand, peintre dans la vie civile, est renvoyé au front. C’est en pressentant sa mort imminente qu’il écrit au cours d’une nuit une longue lettre d’amour. Il s’adresse à une femme française dont il préparait un portrait avant le début de la guerre et qu’il est persuadé de ne plus jamais revoir.

Dans un texte qui relève autant du roman, de la poésie et du manifeste, Pierre Cendors présente l’expérience amoureuse comme une aventure fondamentale qui habite notre silence le plus intime. Il y a dans Minuit en mon silence une quête qui fait songer aux Lettres à un jeune poète de Rilke ou aux Disciples à Saïs de Novalis. Après Archives du vent, il s’agit de la deuxième œuvre de Pierre Cendors publiée par Le Tripode.


1914, Werner Heller – lieutenant du 5ème corps d’armée prussien – part pour le front.

Pressentant que cette guerre verra ses dernières heures, il profite d’une nuit pour écrire à cette femme, à peine rencontrée et pourtant reconnue et aimée.

Dans ces lettres, ce n’est pas tant le lieutenant prussien qui se livre sur l’amour que Pierre Cendors.

C’est en effet la voix de l’auteur que j’ai lu en filigrane de ces pages.

Une vision de l’amour comme une recherche d’absolu, d’une vérité intérieure, de cette profondeur intime cachée à chacun de nous.

Sauf si le silence se fait, dans la nuit et dans notre âme.

Cette œuvre est d’une poésie incroyable, chaque mot est posé comme un joyau. Les phrases se savourent et se lisent, encore et encore, pour extirper chaque sens caché, chaque subtilité du langage.

Éblouissement du choix des mots, des concepts développés mais aussi, quelque part, frayeur. Peur d’un amour dont il doit être difficile d’être la cible. Comment un tel sentiment absolu pourrait survivre dans une vie structurée, si pleine de normalité ? Qu’il est beau d’être aimée mais personne ne semble pouvoir être à la hauteur de cette quête. Cet amour-là est de ceux qui semblent ne jamais pouvoir exister, que pour un bref instant d’éternité.

Incursion émouvante, pour moi, que cette première plongée dans cet univers si atypique que celui de Pierre Cendors.


« Nulle vie ne dit ce qu’est un homme. Ce que nous sommes demeure inconnaissable. La géologie de nos heures et de nos humeurs, toute cette rumeur assortie de notre existence, coïncide rarement avec notre profondeur.

Qui, cependant, n’a jamais senti, affleurant un instant sa chair, cette froide et calme pesée d’une lame affilée : la sombreur douce, la dureté sereine de son visage originel ?

Notre volonté, madame, compte pour rien dans nos amours. On ignore, la plupart du temps, pourquoi on agit ; on le sait. C’est ici que la raison se parjure, ne livrant qu’un faux témoignage de notre réalité. »

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