Un roman de Gouzel Iakhina traduit par Maud Mabillard et publié aux éditions Noir sur Blanc

Dans le petit village de Gnadenthal, sur les rives de la Volga, autour de 1920, Nous sommes dans la région de la Volga, l’instituteur Jakob Bach mène une vie tranquille. Il appartient à cette communauté d’Allemands venus peupler la Russie au 18ème siècle à l’instigation de l’impératrice Catherine II.
Un mystérieux message invite Bach à enseigner l’allemand à Klara, une jeune fille vivant avec son père dans une ferme isolée sur l’autre rive de la Volga.
Bach et Klara tombent amoureux, et ils s’installent ensemble dans l’isba, vivant au rythme de la nature. Un jour, des hommes s’introduisent dans la ferme et violent Klara ; elle donnera naissance à une petite fille, Anntche. Bach se met alors à l’écart du monde ; tout en élevant l’enfant, il écrit des contes, qui de manière étrange et parfois tragique s’incarnent dans la réalité à Gnadenthal. L’histoire d’amour bouleversante de Bach et Klara, le destin de leur fille, les descriptions de la vie des Allemands de la Volga dans les premières années de l’URSS et les superbes évocations de la nature font des Enfants de la Volga un roman inoubliable.
Le premier roman de Gouzel Iakhina intitulé « Zuleikha ouvre les yeux » a été un grand coup de cœur pour moi. Aussi, c’est avec un grand enthousiasme que j’ai découvert ce second roman, impatiente de retrouver sa plume et anxieuse de savoir si le même ressenti allait s’imposer à moi.
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Dans ce second roman, l’autrice nous entraîne dans les pas des allemands de la Volga. À l’invitation de Catherine la grande, des colons allemands se sont installés dans cette région « vide » de la Russie.
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L’histoire se déroule quelques siècles plus tard, à la veille de la révolution qui renversa le tsarisme, et nous entraîne à la suite d’un instituteur, Bach, appelé par un homme mystérieux pour donner des cours à sa fille, Klara.
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Pour l’instituteur célibataire commence un travail certes, stimulant mais dans des drôles de conditions : il ne doit pas voir le visage de son élève. Peu importe, l’amour naît entre eux.
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Cependant le bonheur est de courte durée. L’impossibilité d’avoir un enfant, le viol puis la mort de sa femme bien-aimée. Bach se retrouve alors seul, pour élever la fille de Klara, la jeune Anna, isolés des tourments de la vie extérieure.
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Ce livre oscille entre conte et roman. Les éléments historiques se mêlent à des éléments fantastiques. Une maison mystérieuse devient ainsi un refuge, caché aux yeux du monde…ce qui confère une incroyable poésie au récit, offrant au lecteur le choix de se laisser porter par les événements ou de chercher les significations cachées au fil des pages.
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Ce roman est aussi une belle illustration de l’apprentissage de la parentalité. Bach apprend la peur, puis l’osmose, la difficulté de laisser grandir ses enfants et de les voir se détacher, la peur qui taraude à l’idée de ce qui pourrait leur arriver. Ces passages sont empreints d’une grande émotion.
Pourtant quelques longueurs émaillent à mon sens ce récit, notamment dans le milieu du texte. Pour autant, il ne faut pas se laisser décourager car la fin est de toute beauté.
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Un second roman, réussi et au charme indéniable qui confirme le talent de Gouzel Iakhina dont j’espère que vous découvrirez les écrits !
« Puis il passa par un stade de dégoût. Il s’imaginait le petit morceau de chair – grand comme un pois, puis comme une fève, puis comme un doigt – en train de mûrir à l’intérieur du ventre de Klara, de s’allonger et de grossir, de faire la grimace, de bouger ses embryons de bras et de jambes. Il ressemblait à un nain déformé. Au paysan aux pommettes kalmouks et aux yeux bestiaux. A l’audacieux au visage porcin. Au gamin maigre, avec une face d’avorton et une pomme d’Adam proéminente. Aux foetus de veaux que Bach avait vus à Gnadenthal. Ce sentiment de répulsion était irrépressible ; Bach cessa même de regarder Klara ; rien que la vision de son ventre trop gros et de sa poitrine gonflée lui donnait la nausée. »