Les pommes Antonov

Un recueil de nouvelles d’Ivan Bounine traduit par Claire Hauchard et publié aux Editions des Syrtes

Ecrites entre 1900 et 1949, les nouvelles réunies dans ce recueil nous projettent dans un univers où la nature imprime aux hommes ses paradoxes et ses débordements. Pris dans la tourmente de la guerre, dévorés par les passions amoureuses, ou en proie aux souvenirs cruels, les personnages de Bounine affrontent les épreuves par le biais d’un imaginaire incandescent. Leur sincérité et leur force d’âme nous les rendent étonnamment proches dans leur étrangeté même. Leur solitude est un exil intérieur, miroir de la condition de l’auteur.


Ce recueil de nouvelles est une magnifique incursion dans les écrits de Ivan Bounine, prix Nobel de littérature en 1933.

Ce russe, exilé par la révolution, se nourrit de son souvenir et de ses expériences, les laissant transparaître dans ses écrits.

Les histoires de ce recueil, qui mélange les périodes, sont liées par plusieurs fils conducteurs. 

La beauté des descriptions constitue un élément frappant. La nature et les éléments apparaissent comme des personnages à part entière, chaque mot est choisi avec soin pour mieux retranscrire le paysage, donnant une véritable plongée en terres russes au lecteur. 

Face à cette nature, intemporelle, la destinée des hommes apparaît comme dérisoire, condamnée à l’oubli. Les vicissitudes de nos ancêtres nous sont inconnues, seuls restent les grands événements mais, ce qui a fait la vie quotidienne de nos prédécesseurs est tombé dans l’oubli. 

Cette conscience de la fin inéluctable peut conduire à une sorte de vertige, même chez les grands de ce monde. 

L’amour, lui aussi, est relégué à un moment fugace, le fruit d’un instant qui s’éloigne rapidement. 

Seuls restent les souvenirs, les fragments nostalgiques des temps passés, de cette Russie rurale magnifiée, de cette Russie rurale appauvrie et perdue qui a tant manqué à Bounine.

Énorme coup de cœur pour ce recueil de nouvelles que je vous invite à découvrir. 

À moins que vous n’ayez déjà succombé à la plume de de cet auteur ?

Petit update : cette édition est bientôt en rupture de stock mais bonne nouvelles : l’ensemble des nouvelles d’Ivan Bounine publiées aux Éditions des Syrtes sera repris dans un volume en poche qui sortira normalement au mois de mai 2022. A vos agendas !


« Je pris la longue allée bordée de jeunes bouleaux ; le sable détrempé du sentier s’enfonçait sous mes pas. Guidée par la clarté nocturne que voilaient encore au nord quelques nuages, j’allai jusqu’au fond du jardin, là où se trouvait une tonnelle de lilas au milieu des peupliers et des trembles. Le silence était tel qu’on entendait des gouttes espacées tomber des branches lourdes de pluie. Tout somnolait dans une torpeur béate, seul le rossignol se gargarisait de ses tendres roulades. Dans chaque ombre, je croyais voir une silhouette humaine, mon coeur chavirait à tout moment et, quand je pénétrai enfin dans l’obscurité de la tonnelle où une haleine tiède m’enveloppa, j’étais presque sûre que quelqu’un allait me saisir dans une ardente et silencieuse étreinte. »

7 réflexions sur « Les pommes Antonov »

    1. Mince alors… pas de magnifique évocation de la nature, pleine de nostalgie au programme ? Bon, je vais certainement lire aussi « les allées sombres » mais j’espère que je resterai sous le charme de Bounine 😉

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